Introduction
Pierre Péan, réputé journaliste d'investigation, a commis un livre qui nous surprend par la violence de l'attaque contre notre association Survie. Nous serions à la solde d'un mouvement
politique qu'il s'évertue à dépeindre comme particulièrement criminel. Mais, au delà de cette volonté de blesser notre narcissisme et de réduire notre influence, se pose la vraie nature de ce livre.
En résumé, tous ceux qui contestent la ligne politique des autorités françaises sur la question du génocide au Rwanda sont des menteurs, des manipulateurs ou des manipulés, des "idiots utiles" qui ont servi "le plus grand
criminel" "en exercice" : le "Tutsi" Paul Kagame "Menteur" puisque "les Tutsi sont menteurs". Ils auraient entrainé les Français dans le tourbillon d'un immense complot international contre la France, complot dans lequel
Jean Carbonare, ancien président "affabulateur" de Survie, aurait joué un rôle d'une envergure insoupçonnée. Il n'y aurait eu que 290 000 Tutsi tués et plus d'un million de Hutu massacrés. Sans se faire ouvertement
l'apôtre du double génocide, Pierre Péan apparait donc en fait comme un ingénieur de cette théorie venu installer ses soubassements. Mais il dira haut et fort pour sa défense qu'il ne nie pas le génocide des Tutsi.
Il apparait que ce livre est avant tout un coup bas envers les rescapés et victimes rwandais du génocide. Un tel livre sur la Shoah aurait soulevé un tollé général au lieu de la complaisance dont bénéficie Pierre Péan dans
certains médias de l'État français. Les rescapés et victimes rwandais du génocide sont assimilés systématiquement à des activistes politiques qui auraient mérité leur sort pour le seul fait d'être amalgamés à des ennemis de la
France par des stratèges parisiens. Pierre Péan se fait le porte parole de cette mesquinerie, négationniste et scandaleuse. Cette plaidoirie apparait comme le reflet d'une agitation pathétique de français médiocres, ayant
trahis les idéaux de notre culture, anxieux devant des procédures judiciaires qui commencent à devenir palpables. Les accusations glissées contre nous relèvent du principe de l'accusation en miroir, soulignée par Alison Des
Forges dans le rapport "Aucun témoin ne doit survivre", comme procédé de la propagande génocidaire au Rwanda.
En Belgique et au Rwanda, essentiellement, des Rwandais ont entamé des procédures judiciaires contre Pierre Péan. Ils seraient nombreux au Rwanda. En France nous pensions qu'il s'était établi un consensus parmi les personnes
et associations diffamées par Pierre Péan. Vu l'absence de qualité historique du livre, son manque de pertinence et son caractère ouvertement outrancier et calomniateur, il apparaissait que personne en France, compte
tenu des lois et des pratiques françaises, ne porterait plainte contre lui afin de ne pas nourrir la polémique négationniste qu'il tente de lancer. Ce n'est certainement pas en effet à Pierre Péan de fixer le calendrier et les
règles du jeu de la recherche de la vérité sur l'implication de la France au Rwanda.
Mais le 5 octobre 2006 SOS racisme, Ibuka et Ibuka France ont annoncé : "SOS Racisme, les rescapés et survivants du génocide des Tutsi au Rwanda, soutenus par l'association IBUKA, viennent de déposer une plainte contre
Pierre Péan et les éditions Fayard pour diffamation raciale et incitation à la discrimination raciale après la parution du livre Noires fureurs, blancs menteurs. Rwanda, 1990-1994." La loi française ne permet pas de
poursuivre pour négationnisme dans le cadre du génocide rwandais. Grave lacune. Pierre Péan aurait répondu qu'il trouve cette plainte "ridicule" !
Le 7 novembre 2008, la justice française a absout Pierre Péan des accusations dont il est l'objet. C'est tout à fait inacceptable et montre que les tribunaux considèrent comme licites les discours d'incitation à la
haine raciale, entrant subtilement en négation du génocide des Tutsi et surtout en renfort de l'idéologie génocidaire qui n'est pas éteinte parmi ceux qui veulent aujourd'hui reconquérir le Rwanda. On ose appeler cela "la
liberté d'expression". Je croyais que la liberté s'arrête là où commence celle d'autrui. On peut donc continuer en France la campagne idéologique pour l'extermination totale des Tutsi, pusique, malgré les termes alambiqués de
la décision de justice, Pierre Péan reste impuni. Autre conséquence non négligeable actuellement, c'est aussi un encouragement pour les congolais "travaillés" par les génocidaires rwandais en leur sein, ce qui est un de
leurs alibis, parmi d'autres, pour refuser de prendre leurs responsabilités dans leur pays et vouloir eux-aussi l'extermination des Tutsi qu'ils ont mainte fois montré dans le Kivu depuis quinze ans. Compte tenu des
questions qui pèsent sur la véritable nature des activités professionnelles de Pierre Péan, il n'est pas interdit de s'interroger sur l'éventuelle raison d'Etat qui se cacherait derrière cette décision. Nous savons que la
raison d'Etat fait partie de la dimension très mensongère de la culture française. Nos juges sont d'éminents représentants de cette culture, sinon ils n'auraient pas eu leur diplome de magistrats.
De toute façon, il apparait nécessaire de continuer d'informer honnêtement les français sur le rôle de la France dans le génocide au Rwanda. Si Pierre Péan a pris le risque aussi flagrant de casser sa réputation de journaliste
d'investigation, c'est probablement pour obéir à d'autres exigences. Il oblige aussi à se poser des questions sur ses livres antérieurs. A quoi aurait pu servir la polémique qu'il a tenté de lancer ? Ce livre montre en tout
cas la permissivité négationniste de la France. Il n'ébranle que ceux qui connaissent mal le sujet.
Les pistes brouillées de l'attentat du 6 avril 1994 1
L'attentat du 6 avril 1994 est présenté par les négationnistes comme le point central des événements du Rwanda en 1994. Ils espèrent en effet renverser ainsi les éléments qui montrent que le
génocide avait été préparé. Au Burundi, dont le Président est mort dans le même attentat quelques mois seulement après l'assassinat de son prédécesseur, les ingrédients pour une déflagration sociale consécutive d'autant plus
forte étaient plus particulièrement réunis. Elle n'a pourtant pas eu lieu comme au Rwanda. Ce qui montre à contrario que quelque chose a bien été organisé au Rwanda, puisque qu'Habyarimana accusait en plus une certaine usure
du pouvoir. On se souviendra notamment qu'en 1992 des manifestations importantes, non ethniques, avaient revendiqué la démocratie confisquée par la République hutu du nord du Pays.
Au sujet des auteurs de l'attentat, nous avons en fait très peu de certitudes. Nous n'avons que les informations rassemblées sur cette page : l'attentat du 6
avril 1994, qui est pourtant l'une des plus complètes sur le sujet. Nous avons essayé de présenter honnêtement ce que l'on sait sans donner un poids particulier à la version que défend le Maréchal Péan et les stratèges
français, qui est peut être vraie, peut être fausse... En tous cas on ne sait rien de certain, l'avocat de la veuve du Commandant de bord français de l'avion du président Habyarimana, à l'origine de l'instruction du juge
Bruguière, ayant déclaré que "l'évocation du "rapport Bruguière" est un mensonge éhonté ". (Voir Golias N° 101)
Il apparait d'ailleurs que des français et l'armée rwandaise d'Habyarimana ont tout fait pour brouiller les pistes sur cet attentat. C'est eux qui avaient les clés au moment où il était crucial de faire l'enquête. Ils ne l'ont
pas fait, ou le juge Bruguière n'a pas jugé utile de reprendre les éléments de leur enquête, mis à part la fumeuse histoire des numéros de missiles dont les députés français ont montré le caractère très contestable,
parlant même de "manipulation" à leur encontre.
Sans se perdre dans les innombrables gesticulations de l'officier de gendarmerie Paul Barril, relevons un fait significatif. Le témoin N°1 du juge Bruguière, (comme de Pierre Péan, Charles Onana et Stephen Smith), Abdul
Ruzibiza, a affirmé sur le net depuis 2003, puis devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda en mars 2006, être co-auteur de l'attentat, puisque témoin oculaire en tant que membre du fameux ou fumeux "network
commando" et plus particulièrement de l'équipe qui a abbatu l'avion. Ruzibiza aurait donc contribué à tuer les Présidents de la République du Rwanda et du Burundi, les autres passagers, l'équipage français de l'avion et, selon
Péan, par voie de conséquence serait aussi responsable de la mort de millions d'autres. Cet homme est entré libre dans le cabinet du juge Bruguière, en est ressorti libre.
Depuis que nous avons avancé cet argument en 2004, nous avons appris fin 2006, après l'ordonnance du juge Bruguière, que Ruzibiza faisait machine arrière et ne prétendait plus avoir fait partie de l'équipe de l'attentat,
mais seulement d'une mission d'observation au même endroit le même jour et qu'il aurait vu par hasard le commando opérer... très fluctuant le bonhomme !
De qui se moque-t-on ? On ne peut soupçonner à priori le juge Bruguière d'être membre du "cabinet noir du FPR en France". On a du mal à imaginer que Ruzibiza serait un membre des services français ayant reçu l'ordre de
descendre l'avion d'Habyarimana, que sais-je encore ? a-t-il cru à sa version des faits ? Il ne reste que l'hypothèse de blancs mensonges de "blancs menteurs" pour continuer de défendre l'inavouable.
Ressortant libre du bureau du juge Bruguière, Ruzibiza est reparti dans le nord de l'Europe écrire un livre, Rwanda l'histoire secrète, flanqué d'une préface et d'une postface de deux intellectuels de la fonction publique
française et publié, selon nos informations, aux éditions Panama par une proche d'un journaliste, ancien grand argumen..teur... du "mensonge éhonté" dans le journal Le Monde. Ruzibiza se fait l'apôtre du double génocide,
bizarre et trop rare pour un Rwandais qui aurait perdu toute sa famille dans le génocide. D'aucun disent que ce livre serait en fait écrit par les services français, certaines fautes dans des noms rwandais renforceraient cette
hypothèse, et surtout le style utilisé.
Comme le dit le professeur Guichaoua dans sa postface, quand il l'a rencontré pour la première fois, il a compris que Ruzibiza lui permettait de mettre des noms sur les personnages de ses propres enquêtes... Est-ce un aveu ?
Ne s'agit-il pas plus prosaïquement des enquêtes des gendarmes français du Centre de Recherche Criminelle et de Documentation du Rwanda dirigés par le colonel Robardey de la gendarmerie française ? Et puis on y retrouve
tellement de ficelles de la propagande française, comme cette histoire de commando FPR qui aurait tiré toute une nuit d'octobre 1990 dans Kigali sans être inquiété, pour justifier l'intervention française. C'est
invraisemblable ! Il faut vraiment être crédule pour gober cela.
Pierre Péan affirme que les députés français n'ont pas analysé l'attentat dans leur rapport
Dans notre page l'attentat du 6 avril 1994, nous renvoyons depuis longtemps vers le rapport des députés français. Dans sa version
"PDF" sur Internet, à la page 224 commence le chapitre IV de la deuxième partie du rapport :
IV l'ATTENTAT DU 6 AVRIL 1994 CONTRE l'AVION DU PRÉSIDENT JUVÉNAL HABYARIMANA
...jusqu'à la page 262. Soit 38 pages exactement.
Nous renvoyons également vers le rapport belge qui rapporte, entre autre, les déclarations de l'enquêteur de l'ONU Monsieur Degni-Segui qui n'a pu obtenir de l'armée française les résultats
de son enquête sur le terrain.
Et pourtant Pierre Péan écrit sans vergogne page 238 de son livre à propos de l'attentat : "Quatre enquêtes ou missions parlementaires sur les événements du
Rwanda ont ainsi soigneusement évité de s'intéresser de près à l'élément déclencheur des tueries : La mission parlementaire française, la Commission du Sénat belge, ..." Pierre Péan est un menteur. Il ne
peut pas ignorer le contenu des rapports parlementaires belge et français. Rien que par ce mensonge énorme, c'est clairement un livre de propagande pour embrouiller les esprits. C'est ce qui s'appelle faire de l'investigation
!
Claudine Vidal, qui n'aime pas le "Cabinet noir du FPR en France", sans doute parce qu'il dérange ses amis socialistes compromis dans le génocide, a
écrit à ce sujet dans Le monde du 9 décembre 2005, sous le titre "Un livre important et contestable" : " Le livre de Pierre Péan sur le Rwanda fourmille d'erreurs,
d'approximations. Pour n'en citer qu'une : affirmer que la mission d'information parlementaire française a "oublié" de s'intéresser à l'attentat du 6 avril 1994 perpétré contre l'avion du président rwandais, c'est
révéler qu'il n'a pas lu le rapport de la mission dont un chapitre est précisément consacré à une enquête minutieuse sur l'attentat. Il s'inscrit sans nuance dans une vision ethniciste très largement partagée : la
certitude qui fait nécessairement dépendre les conflits politiques africains des identités communautaires, ethniques, voire raciales. [...]" Elle est trop gentille, Péan se serait seulement trompé !
Il faudrait savoir balayer devant notre porte
Paul Kagame est dépeint comme le président en exercice le plus criminel de la planète. Nous ne le connaissons qu'à travers les médias. Mais face aux crimes néocoloniaux des Présidents français de
la cinquième République, et leurs centaines de milliers de victimes africaines, le Président Paul Kagame ne nous apparait pas plus criminel qu'eux. Il a simplement le plus grand tort de ne pas se soumettre à la Françafrique
pour qu'elle le présente comme plus criminel que Bongo, Deby, Eyadema ou Sassou N'guesso et, même, que de Gaulle et Mitterrand. (Cameroun, Algérie, etc...). Il semble pourtant avoir plus le sens de l'État que les fantoches mis
en place par Paris, même si l'État rwandais pourrait s'avérer aussi criminel que l'État français, si des enquêtes internationales étaient faites.
Les enquêtes actuelles sont trop incomplètes, et parfois trop partiales comme celle de Péan, pour arrêter des jugements définitifs et graves. Les fonctionnaires rwandais sont payés. 49 % des
députés sont des femmes(elles deviendront 56 % dans la législature suivante), ce qui est une forme de démocratie ignorée chez nous, le Rwanda a retrouvé une légitimité incontestable au plan continental (Banque
Africaine de développement, Union Africaine, Charte internationale des femmes, etc.). Mais bien sûr d'autres faits viennent ternir ce tableau que nous avons analysé en posant la
question de la démocratie au Rwanda ainsi que ce que nous appelons les noeuds de violences au Rwanda... qui sont loin d'être imputables au seul régime
actuel, mais dont il ne saurait être exonéré.
Le dernier ambassadeur de France au Rwanda, avant la rupture diplomatique, aimait affirmer aux Rwandais qu'une maison sale doit être balayée. Il a posé une plaque sur l'ambassade de France à
Kigali en mémoire des employés Tutsi de l'ambassade, pour lesquels il a demandé pardon aux Rwandais de les avoir abandonnés aux tueurs, lors de l'opération Amaryllis dirigée par le général Poncet en avril 1994. Et les autres
victimes Rwandaises ?
Que dire des quelques 400 assassinats politiques commis sur les trottoirs de Paris, depuis quatre ou cinq décennies, contre des personnalités ou simples immigrés souvent africains et souvent mal
vus des services français ? S'ils étaient vraiment des démocrates, Mr Sarkozy et ses prédécesseurs auraient du nous pondre une police de protection des opposants africains en France au lieu de les traquer ! Aucune politique ne
justifie la mort d'un seul homme. Nous n'acceptons pas plus les crimes rwandais que les crimes français ou américains. Nous ne défendrons pas les crimes des régimes rwandais ou de leurs voisins, mais nous défendrons l'esprit
de justice et d'équité entre les États, qu'ils soient occidentaux ou africains.
Un seul génocide au Rwanda
Selon un témoin, cité par Péan sans analyse, parmi les "7 millions de morts" depuis douze ans dans l'Afrique des Grands lacs serait noyé l'expression d'un contre génocide. N'oublions pas que les
conflits au Zaïre/Congo depuis dix ans ont impliqué directement une dizaine de pays, sans parler de leurs alliés internationaux. On a parlé de guerre continentale. Vouloir attribuer les 3 à 5 millions de morts (fourchette
couramment admise) au seul Rwanda (quatre-vingt-dix fois plus petit que le Congo RDC) est incontestablement une grossière exagération.
Souvenons-nous que si la deuxième guerre mondiale a fait 50 millions de morts, victimes des bombes nazies et alliées, seules 6 millions de personnes ont été jugées victimes du génocide nazi. Il en
est de même au Rwanda. Ce n'est pas le nombre de morts qui fait un génocide, mais avant tout le mobile du crime et les décisions de justice qui le qualifient. Le Tribunal Pénal International pour le Rwanda a confirmé dès ses
premiers jugements le crime de génocide des Tutsi.
En outre, la revue médicale britannique "Lancet" annonce les conclusions d'une enquête selon laquelle de 1998 à 2004 la RDC a connu environ 4 millions de morts dus à des maladies bénignes,
conséquence de l'état de guerre en RDC, et non pas de la volonté sanguinaire de Kagame comme l'affirme Péan. Cela renforce notre sentiment qu'il y a instrumentalisation des problèmes congolais par Péan à des fins de
propagande.
Il est très instructif de relire "Rwanda - Histoire d'un génocide" de Gérard Prunier, qui fût conseiller du ministre français de la Défense, François Léotard, pendant le génocide. Il observe que
par exemple dans les camps de réfugiés de Tanzanie, peuplés de trois cent mille Hutu fuyant le FPR, on a dénombré que 4 ou 5 blessés par balle. Ce qui selon les observateurs de ces camps relativisait sérieusement les
accusations de massacres perpétrés par le FPR. Plus tard pendant et après le génocide, Gérard Prunier estime que, s'ils craignaient le FPR, ces Hutu en fuite, c'est parce qu'en fait beaucoup d'entre eux s'étaient compromis
dans le génocide.
Leurs accusations auraient été le reflet de leurs mauvaise conscience. Les rescapés Tutsi de l'intérieur du Rwanda par contre, dont il ne reste que 10 % du groupe, étaient souvent blessés, avec de
sales blessures. A l'ouest, les camps du Zaïre ont par contre étaient décimés par une catastrophe sanitaire que les soldats de Turquoise ont du prendre courageusement à bras le corps, mais qui a été beaucoup plus médiatisée
que le génocide lui-même et l'a occulté, détournant la compassion internationale au profit des camps où se cachaient les tueurs. Patrick Poivre d'Arvor dit implicitement la même chose quand il exprime son grand regret de
n'avoir pas pu montrer plus d'images du génocide car il n'en avait pas assez. Et pour cause, tout le monde fuyait le Rwanda, même les tueurs, sauf des éléments de la Minuar et quelques rares journalistes et humanitaires.
C'est une constante de la "diplomatie d'influence" française que de se livrer à ce genre d'instrumentalisation en Afrique, relire la Françafrique et Noir silence. Les autorités françaises essayent désespérément de faire croire à un double génocide que les députés français ont ignoré sans ambigüité dans leur rapport de 1998. Cette
histoire de double génocide est bien une histoire de "blancs menteurs..." encore, et de "noires fureurs".
Des accusations de prostitution
Les français ayant épousé des "femmes Tutsies", dirigées "vers les lits appropriés" de membres d'ONG, dont je suis, apprendront sous la plume de Péan que leur épouse utiliserait donc le lit
conjugal pour oeuvrer pour la cause Tutsi. Une accusation de prostitution en d'autres termes. Un refrain du diplomate Jacques-Roger Booh Booh, camerounais coquin de la France, qui charge aussi de cela le général Dallaire,
responsable opérationnel de la force de l'ONU au Rwanda.
C'était la méthode déjà utilisée contre lui dans les tracts des milices Interahamwe au moment du génocide. Ce serait risible si cela ne rejoignait trop l'idéologie des génocidaires : l'attaque
triviale contre la dignité des personnes dans le but de préparer moralement au génocide. Voir à ce sujet les dix commandements du Hutu et l'avant
dernière ligne de la définition de l'ennemi. Péan ne rejette pas les références le plus abjectes, pire il les utilise et les prolonge.
Le bon sens voudrait que l'on considère que les Français ayant épousé une "femme Tutsi" devraient avoir certainement une meilleure connaissance des Rwandais que certains imbéciles de la DGSE. Péan
se fait leur porte-insultes, en propageant ce genre de stupidités morales, en écholalie avec les génocidaires rwandais, qui eux en ont fait un crime contre l'humanité. Pour tous ces imbéciles, blancs ou noirs, les Rwandaises
n'ont pas encore assez subi avec le génocide. Ils viennent les insulter dans leur vie personnelle qu'elles reconstruisent courageusement.
Tous ceux qui ont une femme française défendent-ils les crimes de la France envers et contre tout parce que leur femme est française ? C'est pourtant bien de ce niveau qu'est l'accusation contre
les Français qui ont une femme rwandaise !
Le lama des R.G.
Comme le dit Odile Byidi-Awala, présidente de Survie, dans l'éditorial de Billets d'Afrique de janvier 2006,
Péan "crache" sur François-Xavier Verschave ancien président de Survie décédé en juin 2005. Il en fait un portrait haineux. Il crache comme le lama de Hergé dans Tintin.
Il crache aussi sur son prédécesseur à Survie, Jean Carbonare, vieux militant très respectable qui franchira bientôt le cap des quatre vingt ans. Jean Carbonare est accusé d'avoir menti dans sa
manière d'annoncer le génocide au Rwanda, un an avant à la télévision française, au journal de vingt heures. Pourtant il a eu raison, le génocide a bien eu lieu...
Son tort, ses "fables", devant ce "Maréchalama" Péan est d'avoir prévenu les Français, les autorités françaises et en particulier la cellule africaine de l'Élysée. Les autorités françaises, étant
médiatiquement au courant de l'intention génocidaire du régime rwandais qu'elles soutenaient, sont de ce fait, médiatiquement, complices de génocide.
Elles risquent aujourd'hui de l'être aussi juridiquement devant les lois françaises et internationales. Péan le sait. Il essaye de nous faire croire à un complot international contre la France,
parce que Jean Carbonare aurait eu un ami Tutsi et protestant proche/ou du FPR. Il vient là essayer de discréditer ceux qui ont voulu prévenir la grave dérive française.
Les fables calomnieuses de Péan sur Jean Carbonare
Pierre Péan tente de dénigrer Survie, et donc "ses témoins" et la CEC, notamment à travers les propos de Jean Carbonare, président de Survie jusqu'en 1994. On lui reproche d'avoir affirmé dans le
Nouvel observateur en août 1994 qu'il aurait "vu" les militaires français dans des camps militaires du Nord-ouest où s'étaient précisément passé les massacres Bagogwe, alors qu'il avait seulement des informations
qu'il jugeait très sûres par leur source. Ces informations ont été confirmées par la suite notamment par le Général français Jean Varret lors de son audition en 1998 devant les députés français: "En
revanche, les DAMI [ndlr à partir de mars 1991] ont assuré la formation de bataillons complets de façon décentralisée en dehors de la capitale. En pratique, les personnels DAMI vivaient dans des camps d’instruction militaire
avec leurs élèves ". Pierre Péan traite Jean Carbonare douze ans après d'affabulateur. Mais il suffit de regarder la vidéo de son interview de janvier 1993 pour comprendre quelle mesquinerie inspire ceux qui mènent ce
combat pour tenter de relativiser l'implication de la France, alors que Jean Carbonare est l'un des rares français à avoir tenté de ramener à la raison la politique de la France, quand il était encore temps.
Jean Carbonare maintient dans un courrier envoyé à ses amis qu'il a bien été un mois dans le quartier des condamnés à mort d'un camp allemand, son rôle initial et discret dans les accords d'Evian,
et dément de la même manière toutes les accusations de Péan. Jean Carbonare a invité Pierre Péan à poursuivre son investigation complètement et à venir consulter les preuves écrites de ce qu'il dit chez son avocat. Ce que Péan
n'a pas encore fait à ma connaissance.
Jean Carbonare a passé toute sa vie à conduire des projets de développement d'une certaine envergure en Afrique. Chrétien engagé il a estimé conséquent de mettre ensuite ses compétences au service
du peuple rwandais après le génocide pour reconstruire le pays. Jean Carbonare n'a jamais été conseiller du Président de la République rwandaise comme l'affirme Péan. Pasteur Bizimungu, en prison actuellement au Rwanda (libéré
en avril 2007), lui avait demandé d'oeuvrer à la réconciliation des Rwandais. Jean Carbonare a refusé au bout de trois semaines d'enquête : il avait estimé modestement qu'il n'était pas en mesure de travailler à cette
réconciliation. Il a ensuite été invité à mener un projet de développement de logements pour les veuves du génocide. Ce qu'il a accepté.
Pierre Péan exagère de façon exponentielle le rôle de Jean Carbonare sur le cour des choses au Rwanda en en faisant une sorte de James Bond version ONG française, alors qu'il aurait été le plus
fier des hommes s'il avait seulement réussi, un an avant le génocide, à faire comprendre aux autorités françaises qu'il fallait changer de route au Rwanda. Péan déforme comme un vieux miroir métallique tout tordu.
Jean Carbonare ne portera pas plainte contre Péan. Pour lui c'est de l'énergie inutilement gaspillée et Péan aurait été aveuglé par son parti pris. C'est sans doute une forme de sagesse de sa
part, et de relativisation des faits. On a écrit du mal de lui, et alors ? Cela l'a bien sûr blessé mais ce n'est pas la fin du monde !
Mais pour ma part je pense que Péan a délibérément et intentionnellement menti sur Carbonare. "Les fables de Carbonare" ne sont que les fables de Péan engagé dans une guerre d'information
malhonnête et tout à fait injuste. Ces fables sont destinées naturellement à réduire l'influence que Survie a acquise sur la question de l'implication de la France dans le génocide des Tutsi en particulier et sur celle de la
Françafrique en général.
Instigateur d'une méfiance entre Protestants et Catholiques
Enfin Péan accuse Jean Carbonare d'avoir entrainé le protestantisme français dans le camp de l'anti-France, et fait dans d'autres pages des clins d'oeil manipulateurs aux catholiques, essayant de
lever une guerre de religion à propos du Rwanda... "Engeance de vipères" !
Des pasteurs protestants, comme des prêtres catholiques, ont été jugés auteurs d'actes de génocide au Rwanda. C'est un problème des chrétiens dans leur ensemble. L'idéologie génocidaire au Rwanda
a traversé toutes les Églises. Toutes n'ont pas la même attitude ensuite. Le Vatican est effectivement l'objet d'accusations pour son attitude globale à l'égard du génocide au Rwanda, analogues parfois à celles qui ont été
portées contre elle à la suite de la Shoah. Mais "l'hommage au courage" d'African Rights, (qui fait partie des menteurs selon Péan), est un document qui souligne celui de plusieurs prêtres et religieuses qui ont risqué leur
vie pour sauver des Tutsi.
Un livre puant qui distille l'odeur des procédés éhontés, voire staliniens, d'une police politique
Je ne m'étends pas sur toutes les personnalités des médias, du CNRS, des ONG qui sont "descendues" par Péan. Voir les autres textes ci-dessous. Le lama Péan s'est bien gardé d'aller vérifier ses
informations auprès de Jean Carbonare, car il aurait eu tous les documents qu'il lui a signifié tenir à sa disposition, mais qu'il refuse ouvertement de consulter. Il ne cherche pas la vérité, il piège, il exécute. Dans ce
livre, il est abondamment malhonnête et lâche.
C'est une France sale qui déglutit des paroles avilissantes, d'une voix doucereuse de sainte-n'y-touche, sur les micros béants de directeurs de chaînes sans honneur et sans jugeote. Ça suinte la
France des barbouzes du noyautage de la démocratie, qui singent le sage et font le sincère. Péan vient là en négationniste, au secours des négationnistes. C'est du sale boulot. Péan est à l'image du titre de son livre : un
"blanc menteur". Il ne respecte rien. Il défend des intérêts indéfendables, il ne montre là aucune morale... Et puis dans ces émissions amorales, à l'oral, il est médiocre et mal à l'aise, hésitant. Esquissant de petits
sourires de nonnes aux yeux anxieux, il a du mal à cacher qu'il ne connait probablement du Rwanda que les notes confidentielles de commanditaires inavouables, le style des notes de la DGSE, bref les "photos fichées " de ceux
qu'il devait démolir. Le comble est de traiter de menteurs ceux qui connaissent vraiment le Rwanda, et dont certains depuis longtemps au plan professionnel ou personnel. Les traiter de menteurs est une vaste fumisterie qui ne
peut convaincre que les néophytes du Rwanda ou ceux qui s'accrochent aux branches. C'est pathétique, la France des "élites" en est là, crispée dans la bêtise du mensonge et de la malhonnêteté intellectuelle.
Radio France International accusée d'être manipulée par le FPR
RFI est accusé par Pierre Péan d'être noyauté par des agents du FPR (deux journalistes d'origine Tustsi et deux autres gagnés à leur cause). RFI a lancé une enquête sans précédent qui a produit,
un an plus tard, un document de 700 pages qui "balaye les doutes de Péan". L'accusation de Noires fureurs blancs menteurs s'avère nettement sans fondement. Lire l'article de
Christophe Ayad dans Le Quotidien du 3 novembre 2006. Ce document de RFI est certainement très instructif à consulter comme
référence sur le génocide au Rwanda. Merci Péan !
On voit bien que le sens de ces péaneries se confirme : jeter le trouble sur des faits qui s'établissent petit à petit, tenter d'enrayer la montée irrésistible de vérités longtemps
étouffées, et auxquelles l'association Survie a beaucoup contribué.
Le "cabinet noir du FPR en France" ...
Les pleurs et colères du "grand journaliste Péan" et de ses amis français pour dire, en pleine instruction judiciaire, que ce ne sont pas eux les complices des criminels, mais au contraire les
victimes du génocide eux-mêmes, qu'il amalgame au Front Patriotique Rwandais tout au long de ce livre, sont d'un tel ridicule que nous serions accusés d'être des criminels si le ridicule tuait ! Soit dit en passant "être du
FPR" au Rwanda veut plus souvent dire être sympathisant du FPR, "pour le FPR", que réellement membre du FPR. A chacun son "axe du mal".
Pour notre part son essai ne nous apprend absolument rien, si ce n'est sa capacité de "mentir vrai". Si l'association Survie, qualifiée de "cabinet noir du FPR en France" était une
Citroën 2 CV, il arriverait à nous faire croire que c'est en fait une Volkswagen, en faisant remarquer qu'elle a d'ailleurs quatre roues, fournie par l'Allemagne hitlérienne... dont la carrosserie a été modifiée par
le FPR, parce qu'on y a retrouvé un exemplaire du Figaro du 4 juillet 1994. Et trois pages plus loin ce serait la Citroën C4 de la publicité qui se transforme en un robot gigantesque... manipulé par les services
américains pour détruire "l'honneur français". Les pièces visibles sont parfois vraies, mais en-machinées de pièces bricolées, et la structure, ses articulations et l'interprétation sont fausses. Que des conneries pour
psychopathes des complots de "l'anti-France", en mal d'os à ronger.
Nous pouvons d'ailleurs témoigner, que la réputation de "journaliste d'investigation" de Pierre Péan est largement usurpée, puisqu'il n'a pas rencontré dans son "enquête" un seul militant ou
dirigeant de Survie... pour se croire autorisé d'en parler au long d'au moins trois à quatre chapitres et de nombreux interviews dans la presse. Il ne nous a jamais rencontrés pas plus qu'il n'est allé au Rwanda. Plutôt léger
ce discours en chambre !
...contre la poubelle blanchie de la politique française
Nous accuser de mensonges lui permet entre autres d'essayer de faire oublier que la France a voté avec les USA la réduction des effectifs de la Minuar de 2500 à 270 membres le
21 avril 1994 à l'ONU alors que la dimension génocidaire des massacres n'échappait à personne, au moins sous la forme interrogative. Mais cela n'empêche pas le ridicule de Monsieur Quilès, Monsieur Balladur, le
général Lafourcade et le Colonel Hogard, suivis lourdement par Péan et d'autres, qui martèlent hypocritement que l'ONU a été lâche de diminuer les forces de la communauté internationale au Rwanda.
Qui manipule qui ? Où est "l'honneur français" ? Des larmes de crocodiles, des larmes de menteurs. Les militaires doivent endosser cette hypocrisie politique, eux qui sont toujours prêts à
couvrir les viols de leurs subordonnés et leurs assassinats sur ordre en Afrique pour "l'honneur de la France". J'en ai assez de cette France politique médiocre et irresponsable qui n'assume même pas ses votes à l'ONU et
couvre les pires bassesses de certains militaires et de certains membres de ses "services" !
D'après ceux qui ont lu un livre précédent de Pierre Péan, "une jeunesse française", il semble qu'il l'aurait publié pour étouffer l'impact d'un autre bouquin, autrement plus difficile pour
François Mitterrand, "La main droite de Dieu". De la même manière on pourrait s'interroger sur son bouquin de 2003 avec Cohen, "La Face cachée du Monde : Du contre-pouvoir aux abus de pouvoir". Il reprend une
partie du titre du livre de Jean Paul Gouteux :"Le Monde un contre pouvoir ?", paru en 1999 qui met en lumière les manipulations du quotidien dans le génocide des Tutsi. (Le Monde a perdu trois fois ses procès contre
Jean Paul-Gouteux à propos de son livre "Un génocide secret d'État"). La encore même technique. Avec "Noires fureurs, blancs menteurs" Pierre Péan est donc fidèle à lui-même mais il aurait changé de technique :
au lieu d'aller apparemment dans le même sens pour capter la contestation sur le Rwanda ou le passé de Mitterrand et la dévier du problème, il aurait carrément et outrancièrement contre-attaqué Survie, tout en réutilisant
l'inspiration des titres de Survie, Noir silence, Noir Chirac, les dossiers noirs, etc.. Un journaliste indépendant ou un soldat apparemment solitaire ? En tous cas un complice en col roulé noir de crimes en col
blancs.
S'il y en a qui croient encore que Pierre Péan est un journaliste indépendant lisez ceci :
On y retrouve les feintes, feintes, de la spontanéité dégrossie d'une communication savamment organisée, avec encore un solide battage médiatique. Payé par qui ?
Pierre Péan confirme qu'il est sur tous les fronts des leaders de la Françafrique et par conséquent celui des chefs d'État français. Il pourra trouver moult arguments généraux, que cela fait partie de son domaine normal de
journaliste politique, pour affirmer que nous fabulons. Mais selon toute vraisemblance, son travail, officieux, depuis plusieurs années consiste à baliser, à cerner, à endiguer les curiosités des citoyens en leur donnant
l'impression de leur révéler des informations inédites, qui proviennent toutes des services français. Il ne fait pas d'investigation comme il le dit, il ponce au papier "verreux" la vérité des services français et il la
met en forme au service d'une guerre psychologique des politiques secrètes de l'Élysée contre la démocratie française. Je ne serais pas surpris si on nous révélait un jour qu'il écrit au service de la DGSE, voire qu'il
en est un officier des services de communication, comme d'autres "grands journalistes" de notre "grande presse nationale".
Lisez donc aussi "Noir Chirac" de François Xavier Verschave (Les arènes)...
"Les Français ne tenaient pas les machettes"...
On pourra m'amener tous les Péan du monde, ils ne me feront pas avaler que la France "devait" soutenir les génocidaires parce qu'il fallait d'abord lutter contre le FPR, composé pourtant de
Rwandais, qui aurait été un danger plus grand. Cette résistance a accru l'ampleur de la tragédie. On a contribué aux morts d'une guerre, et contribué indirectement à l'augmentation du nombre de victimes d'un génocide... pour
rien, c'est un échec total qui plus est. Les quelques quinze mille Tutsi heureusement sauvés par la France sont des alibis au pire de pyromanes et au mieux d'irresponsables. Elle aurait pu en sauver trente fois plus, si elle
avait mené une autre politique dès 1991. Les militaires français savaient déjà le but que poursuivaient leurs collègues rwandais.
Selon le rapport des députés français, en novembre 1990, le Général Varret a entendu du chef d'État major de la gendarmerie rwandaise, à propos des Tutsi, : "Ils sont très peu nombreux nous
allons les liquider". Cinq mois plus tard, avril 91, protégée au sein d'une délégation de coopérants canadiens, mon épouse passait un barrage militaire tenu par des Français et des Rwandais entourés de miliciens. On y faisait
des contrôles ethniques. Elle a vu un Rwandais se faire sortir d'une voiture par un français, être remis à un soldat Rwandais qui l'a remis à la milice et fut "machetté" aussitôt. Elle en a témoigné publiquement devant la
Commission d'enquête citoyenne. Déjà, comme dans le livre de Péan, les civils Tutsi étaient assimilés à des ennemis de la France.
"Les Français ne tenaient pas les machettes"... mais un gendarme du GIGN, témoin
direct également, a confirmé qu'ils ont formé des miliciens dès 1992. A la fin du génocide, pendant l'opération Turquoise, Patrick de Saint-Exupéry du journal le Figaro et d'autres journalistes (Match, l'Express, Times, New
York Times, etc..), témoins directs, ont vu que les soldats français ont donné à manger aux miliciens, s'en sont servi comme guide, leur ont redonné le moral... et surtout les autorités françaises ont soutenu, militairement,
diplomatiquement et financièrement, jusqu'à sa chute, malgré l'embargo de l'ONU voté par la France, le régime qui les a préparés puis exhortés à accomplir le génocide. Une vraie complicité.
On nous ressasse les négociations d'Arusha (1-2-3 ou 4 souligne doctement Monsieur Balladur), mais on ne prépare pas la Paix en armant et entrainant une armée et des miliciens, et en faisant des
contrôles d'identités ethniques. Arrêtons de dérailler et de faire les Tartuffe. Le gouvernement de la France a voulu jouer tous les rôles de la guerre et de la paix au Rwanda. Il doit endosser tous les crimes sur lesquels il
a fermé les yeux, s'il n'y a pas même parfois directement contribué. Cette dernière hypothèse est une question à laquelle la justice française, subordonnée à la justice internationale en ce domaine, devrait répondre à la suite
des premières plaintes déposées par des Rwandais.
La France au Rwanda confirme une profonde crise de l'intelligence à la française
Je vous invite maintenant à vous détacher de la seule ornière des péaneries pour regarder la route. Plus profondément à l'heure où l'on construit une image d'Épinal de François Mitterrand,
narcissique comme celle de de Gaulle ou de Napoléon, en sélectionnant des faits gratifiants, certes réels mais en occultant d'autres, on peut se poser sérieusement la question de la compétence des dirigeants français sur
l'Afrique. Il faut s'interroger sur leur incapacité à en saisir les réalités et à y mener une stratégie intelligente, moins simplificatrice et désastreuse que celle de l'ethnisme ou de la France investie d'une mission en
Afrique ou du maintien de la présence française dans la francophonie contre l'influence anglosaxone. Ce simplisme est probablement lié à des intérêts inavouables mais que l'on s'autorise par une forme de racisme latent
qui voudrait que tout ce qui relève des cultures africaines serait simple et binaire, attardé, voire naïf. Si des africains font preuve d'intelligence et disent des vérités difficiles à entendre, ce seraient des menteurs et
les "Tutsi" des "super-menteurs".
Dans ce registre narcissique des graves "erreurs d'appréciations" de nos dirigeants, un livre paru en mars 1995, un an après le génocide au Rwanda, devrait être pris un peu plus en considération.
Dans ce texte, édité chez Interédition, La crise de l'intelligence, essai sur l'impuissance des élites à se réformer, Michel Crozier ne dit pas un mot du Rwanda. Pourtant les défaillances qu'il signale dans le
dysfonctionnement intellectuel de nos dirigeants, du public comme du privé, peut pleinement s'appliquer à leurs analyses du Rwanda et à leurs décisions de 1990 à aujourd'hui, indépendamment de l'éventualité d'une intention
malveillante.
Il n'est pas toujours pertinent de mélanger les problèmes. Mais il peut être enrichissant et productif de faire des rapprochements et d'établir des relations.
De ce point de vue, sans bien sûr vouloir minimiser la dimension du génocide des Tutsi et l'implication de la France dans ce génocide, la dérive du procès d'Outreau et plus récemment le
psychodrame du CPE, si unanimement contestés, me semblent aussi relever de cette crise de l'intelligence à la française au même titre que la dérive française au Rwanda. De Kigali à Outreau-CPE, il n'y a qu'une différence
d'échelle, une petite réplique, après le séisme extrême et lointain du Rwanda, dans le dysfonctionnement collectif de l'intelligence française. Nous ne manquerons pas de souligner aussi l'affaire Clearstream manipulée par un
super-polytechnicien réputé hyper doué - faut-y être bête ? - un stratège hors pair, "L'homme est "brillantissime", "exceptionnel", "fulgurant", "vertigineux"?" - on a vu l'impasse stratégique à laquelle EADS Airbus,
dont il était vice-président, s'est trouvée confrontée quelques semaines plus tard, ne pouvant pas livrer dans les temps les avions commandés et obligeant le président à démissionner pour avoir pris ses intérêts avant
d'annoncer le fiasco !
Le bouquin de Crozier n'est pas obsolète. Peut-t-on encore chipoter des "responsables mais pas coupables", comme pour le "sang contaminé" ou prétendre être protégés des radiations de Tchernobyl
par nos lignes Maginot (voir les suites judiciaires en 2006) ?
Les crimes des autorités françaises, coloniaux et néocoloniaux, sont-ils sans lien avec les problèmes des banlieues ? Rien ne s'oublie, même dans les mémoires enfouies des peuples. Même si les
mots conscients ne sont pas transmis, des comportements, apparemment incompréhensibles, peuvent l'être quand même.
Oui, la France au Rwanda complète gravement le tableau et souligne bien une crise très profonde de la culture française, des politiques africaines qu'elle génère, et son inadaptation grave à
la construction de la démocratie mondiale. Oui la France au Rwanda montre ce que peut engendrer l'incompétence de nos élites quand elles se croient compétentes et sûres de leur "intime conviction". Oui la France au Rwanda
montre le danger de maintenir une clique de hauts-fonctionnaires civils et militaires, inamovibles et bornés, mais diplômés intelligents et tamponnés "défenseurs de l'intérêt général" et "article 4 de la loi néo-colonialiste
du 23 février 2005". Ils noyautent l'information de l'Élysée, de Matignon, comme de l'Assemblée nationale, les grandes administrations, tous les centres de décisions, y compris les directions de parti de gouvernement, les
médias. Ils mènent une guerre d'influence à l'aide de falsificateurs de faits historiques ou scientifiques et autres manipulateurs de l'opinion... payés avec nos impôts.
Pour se rassurer on aboiera à la "théorie du complot" et à "l'auto-flagellation", alors qu'il s'agit de l'état lamentable et criminel du gouvernement de la France, ruban bleu ou ruban rose,
donneur de leçons à l'intérieur comme à l'extérieur, qui relève au mieux de la théorie de Pavlov.
Français réveillons-nous !
Aucun papier dans les urnes pour cette "racaille". Ils doivent être reconduits à leurs frontières narcissiques, en eux-mêmes aux portes de la République, "sans papiers" pour l'exercice des
responsabilités dans notre démocratie. NON à la négation de la complicité de la France dans le génocide des Tutsi. Ce critère sera pour moi essentiel dans mon vote aux prochaines présidentielles. Je ne voterai pas pour un
candidat qui ne se sera pas prononcé clairement sur cette question essentielle.
Emmanuel Cattier, époux d'une "femme Tutsi"
Ma lettre ouverte au Président de la République et aux citoyens français et européens
27 avril 2004
1 Cet article date de janvier 2006 et fut actualisé jusqu'en 2008. Il ne tient pas compte des événements
ultérieurs, notamment lorsqu'il renvoie à la page attentat du 6 avril 1994 qui est maintenant actualisée sur le site de la Commission d'enquête citoyenne : page
attentat du 6 avril 1994 du site de la CEC
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