Noires fureurs, Blancs menteurs. Rwanda 1990-1994. Pierre Péan. Mille et une nuits. (22 euros tout de même !!!) Titre évocateur, dont la seconde partie pourrait facilement s’appliquer à l’auteur.

Après Ruzibiza, et avant le nouvel Onana, voilà que Péan publie à son tour un pavé qui risque de faire des remous : Kagame est responsable de tout ce qui s’est passé au Rwanda depuis 1990. C’est grâce à ses supporters occidentaux que le monde entier a été victime d’une gigantesque désinformation. Il est temps de rétablir la vérité.

Dès la page 7 de son ouvrage, Péan déclare, évoquant la chute de l’avion d’Habyarimana : « Cet attentat est le point de départ du massacre des Tutsi. » Et d’ajouter page suivante : « […] (les) circonstances de l’attentat (sont) […] telles que l’on peut aujourd’hui les reconstituer, notamment à partir de l’instruction du juge Bruguière », instruction dont il ajoute en note qu’elles s’appuient sur le témoignage de Ruyenzi et celui de Ruzibiza. Donc du déjà lu.


Dans sa plus grande partie, cet ouvrage est un réquisitoire accablant contre le Président du Rwanda, Paul Kagame. Péan affirme que Kagame avait deux objectifs, qu’il est difficile d’ailleurs de considérer comme de vrais objectifs vu la façon dont c’est rédigé ; mais comme il annonce le deuxième, on peut essayer de deviner le premier : prendre le pouvoir en faisant croire que l’attentat venait d’ailleurs ; l’attentat n’est que « l’étincelle » qui va embraser « la plaine » et qui ne fait que compléter les crimes politiques que Kagame aurait commis dans les semaines précédentes, après avoir une nouvelle fois laissé croire qu’ils étaient perpétrés par ses adversaires. Si bien que Péan peut aller jusqu’à dire, page 19, que « dans la phase ultime de sa stratégie de conquête de pouvoir, Kagame a planifié l’attentat, donc planifié aussi sa conséquence directe : le génocide des Tutsi perpétré en représailles. » Et de minimiser aussitôt, page 20, ce génocide des Tutsi : « Peut-on encore ne parler que du génocide des Tutsi alors que, depuis 1990, le nombre des Hutu assassinés par les policiers ou les militaires obéissant aux ordres de Kagame est bien supérieur à celui des Tutsi tués par les miliciens et les militaires gouvernementaux. » Kagame est donc et l’auteur de l’attentat contre Habyarimana, et le responsable du génocide des Tutsi, et l’exterminateur des Hutu ! C’est même « le plus grand criminel de guerre vivant et en exercice ». Et comme si cela ne suffisait pas, Péan rajoute quelques touches au portrait : « Hitler ? Staline ? Pol Pot ? Non, Kagame, tout simplement, qu’un jour l’Histoire, lorsqu’elle aura déchiré le voile des manipulations, rangera parmi la catégorie des monstres sanguinaires. Un monstre capable d’exploiter à son profit la tentative de génocide qu’il a sciemment déclenchée. En somme un Führer qui serait devenu directeur de Yad Vachem, le musée de la Shoah », (les Juifs apprécieront !), Péan semble alors sombrer dans la paranoïa : « Après l’attentat, le régime Kagame a laissé volontairement les miliciens Hutu « nettoyer » le pays. Plus incroyable encore, il a fait croire que les Hutu qu’il a fait massacrer en grand nombre étaient des Tutsi […] C’est enfin le même Kagame qui a fait ériger des fours crématoires pour faire disparaître les cadavres. » On en reste sans voix ! Certains se sont trouvés devant des tribunaux pour moins que cela.


Sont visés aussi, dans ce début d’ouvrage, page 22, ceux que l’auteur appelle les « militants pro-FPR », militants dont il parlera plus loin dans plusieurs chapitres (les associations Survie, la Communauté Rwandaise de France, le Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda … les Chrétien, Dupaquier, Kabanda, Gouteux, Gauthier…). « Regroupés, ils se sentent investis de la mission de traquer de prétendus « génocidaires », de trouver des faux témoins pour les faire comparaître en justice, en tout cas leur faire perdre leur réputation, leur travail ou leur visa… ». Et d’ajouter, flatteur : « Ils constituent une génération « d’idiots utiles ». » Merci pour le compliment. Quant aux « prétendus génocidaires », nous souhaitons que la réponse vienne de la justice française ou internationale.


« Parcourir à grands traits l’histoire du pays est un exercice bien plus périlleux » (p.30). Pour rédiger ce chapitre, Péan dit s’appuyer sur un certain NYETERA, Tutsi qui pendant longtemps a voulu avoir une carte d’identité Hutu, véritable marionnette des négationnistes que j’ai eu l’occasion de rencontrer lors d’un Colloque qui s’est tenu au Sénat en avril 2002. J’avais d’ailleurs dénoncé à l’époque le contenu de ce Colloque auprès du président du Sénat et d’autres hommes politiques qui n’ont pas daigné se manifester.

Et comme si cela ne suffisait pas, Péan va rajouter un couplet des plus racistes à l’égard des Rwandais, de tous les Rwandais : « A ces rudiments d’histoire et de géographie, il est important d’ajouter et de garder en tête que le Rwanda est aussi le pays des mille leurres, tant la culture du mensonge et de la dissimulation domine toutes les autres chez les Tutsi et, dans une moindre part, par imprégnation, chez les Hutu. » (p.41) Nyetera, toujours lui, raconte que « dès leur plus tendre enfance les jeunes Tutsi étaient initiés à la réserve, au mensonge, à la violence et à la médisance. […] Le pli est ensuite pris jusqu’à l’âge adulte. » Nyetera en est en effet un excellent exemple. Péan n’est d’ailleurs pas le premier à tenir de tels propos puisqu’il cite ceux d’un certain Paul Dresse, propos tenus en 1940 dans son ouvrage Le Rwanda aujourd’hui : « Les Tutsi se distinguent par un vif souci de la tenue apparente […] Cette disposition favorise aussi la duplicité et c’est ce qui fait de cette race l’une des plus menteuses qui soit sous le soleil… » (p.42)

Péan, pour bien montrer que cette théorie ne lui appartient pas, cite à nouveau Nyetera : « Les Tutsi acceptent facilement de faire des faux témoignages […] par lucre et/ou pour accabler un étranger ou un ennemi de son groupe. C’est hélas souvent ce type de faux témoins qui sont envoyés au TPIR, à Arusha. » (p.44). Une pierre dans le jardin du TPIR qui, à les lire, ne ferait que condamner des innocents !

Et non content de citer Nyetera, Péan enfonce le clou et va commencer à développer une thèse qui sera reprise plus loin dans son livre : « Cette culture du mensonge est particulièrement développée dans la diaspora tutsi […] Les associations de Tutsi hors du Rwanda ont fait ainsi un très efficace lobbying pour convaincre les acteurs politiques du monde entier de la justesse de leur cause. Elles ont infiltré les principales organisations internationales, et d’aucuns, parmi leurs membres, ont su garder de très belles femmes tutsi vers des lits appropriés… »

Le Tutsi « fourbe et menteur, calculateur, fait pour commander », on a déjà entendu ça aux pires heures de la colonisation. En évoquant les femmes Tutsi, il verse dans l’abject et se range de lui-même dans le camp des salauds, comme ceux du Journal Kangura de triste mémoire. A ce sujet, il me revient encore à l’esprit le souvenir du Colloque au Sénat où les participants ont clairement dit que je ne connaissais le Rwanda « que par des confidences faites sur l’oreiller. » De telles bassesses ne discréditent que ceux qui les profèrent.


Même si « enquêter sur le Rwanda relève du pari impossible tant le mensonge et la dissimulation ont été élevés par les vainqueurs au rang des arts majeurs, […] les masques (étant) partout » (p.44), Péan, en magicien du verbe et en falsificateur, va réussir à vomir près de 550 pages sur ce qui a été un des plus grands drames du XXème siècle. Heureusement, comme dit le proverbe chinois : « Il n’y a que la bouche qui vomit qui sent mauvais. »



Alain GAUTHIER, président du CPCR


Note : les caractères en gras sont de mon fait.