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Génocide au Rwanda
Les événements initiaux

Sommaire

L'attentat du 6 avril 1994
La semaine qui a suivi l'attentat

 

L'attentat du 6 avril 1994 ^

Le 6 avril 1994, en fin de journée, le Président Juvénal Habyarimana rentre à Kigali à bord de son avion personnel, un Mystère Falcon fourni par la France et piloté par un équipage français. Il revient d'une rencontre régionale liée aux accords d'Arusha qui a eu lieu à Dar Es Salaam et qui devait aussi envisager des aspects concernant le Burundi.

Juste avant de décoller, il aurait proposé à son homologue burundais de l'accompagner, et peut être de lui prêter ensuite son avion jusqu'à Bujumbura. D'après l'audition du ministre de la défense française, François Léotard, devant les députés français, le président Mobutu aurait dû venir à cette réunion, mais aurait refusé de venir à cette réunion au dernier moment. On se perd en fait en conjectures sur les raisons de ce regroupement dans l'avion du président rwandais et de l'absence du président Mobutu à la réunion qui semble-t-il était informé d'un complot dont il aurait prévenu les autres présidents. L'avion du président burundais était-il l'objet d'une alerte de sécurité ? Tous ces présidents étaient conseillés en matière de sécurité entre autre par le capitaine de gendarmerie français Paul Barril qui agissait officiellement dans le cadre de sa "société privée" de sécurité.

Le président burundais était venu à Dar Es Salaam avec son propre avion. L'avion du président burundais est vraisemblablement rentré à Bujumbura avec le chef d'état-major burundais, tutsi considéré comme pro-FPR et comme responsable de l'assassinat du président burundais hutu Melchior Ndadaye en octobre 1993. Devaient aussi s'y trouver les membres de la délégation burundaise qui n'étaient pas montés à bord de l'avion du président rwandais.

Outre les présidents rwandais et burundais, l'avion présidentiel rwandais transportait des dignitaires du régime rwandais, dont le chef d'état-major des Forces Armées Rwandaises, et des responsables du parti hutu du président burundais. Selon la version établie en 1998 en phase d'atterrissage à Kigali, deux ou trois missiles auraient été tirés sur l'avion depuis la colline de Masaka, colline située à l'est de Kigali dans l'axe de la piste à environ cinq kilomètres avant l'aéroport selon l'itinéraire suivi par le Falcon. Selon d'autres témoignage de 1994 et les premières notes du général Quesnot à François Mitterrand l'avion aurait été touché par des roquettes, donc vraissemblablement depuis un lieu proche de la résidence du Président. L'avion est touché et s'écrase non loin de l'aéroport, sur le terrain de la résidence présidentielle. Il n'y a aucun survivant.

La mission de l'ONU du général Dallaire (Minuar) n'a pas pu accéder à la zone de l'écrasement car elle en fût empêchée par la garde présidentielle rwandaise. Le lieutenant-colonel français Grégoire de Saint-Quentin a pu accéder plusieurs fois à cette zone dans les heures et les jours qui ont suivi, notamment, dit-il, pour récupérer les corps de l'équipage français. Le capitaine de gendarmerie Paul Barril, qui aurait été missionné par la veuve du président rwandais, affirme y avoir eu aussi accès et avoir récupéré la "boite noire".

Le lendemain de l'attentat, le conseiller de François-Mitterrand, François de Grossouvre est trouvé mort dans son bureau à l'Elysée. Selon certaines informations il assurait le lien entre Paul Barril et François Mitterrand. Aucune preuve matérielle ne permet de lier cet assassinat ou suicide et cet attentat, mais cela doit être noté à cause de l'implication des acteurs dans la politique du Rwanda.

La radio des mille collines annonçait les jours précédents qu'un événement aurait lieu. Cet attentat est considéré comme le signal qui a déclenché la prise de pouvoir par les durs du régime Habyarimana et le génocide. Pourtant de nombreux éléments restent inexplicables voire incohérents. On ne s'explique pas de façon déterminante le fait de prendre les présidents Rwandais et Burundais comme victimes de ce déclenchement du génocide, mais tout le monde pressentait qu'un tel attentat serait suivi de massacres importants. Depuis ce jour toutes sortes de versions circulent pour interpréter cet attentat.

 

Quelles responsabilités dans l'attentat du 6 avril 1994 ? ^

Les responsabilités dans l'attentat du 6 avril 1994 sont aujourd'hui encore obscures. La provenance des missiles qui auraient détruit l'avion présidentiel est soumise à controverse, controverse d'autant plus vive que cet événement met en cause, selon les hypothèses et leurs variantes, au moins sept pays : la Belgique, le Burundi, les Etats-Unis, la France, l'Ouganda, le Rwanda (extrémistes Hutu ou FPR), le Zaïre.

Plusieurs hypothèses ont été examinées par les parlements belges [lire] et français [lire] et par l'OUA [lire] Les deux plus plausibles accusent l'une les extrémistes Hutu, inquiets par l'évolution des négociations avec le FPR, et l'autre le FPR, adversaire politique et militaire du régime en place. Parmi les autres hypothèses examinées, l'une impliquerait des militaires ou mercenaires français. D'où semble-t-il le grand intérêt des autorités françaises pour cette question.

Selon une version trop ressassée dans les médias, des missiles Sam 16 auraient été tirés de la colline de Masaka, située à l'est de Kigali. Sur cette colline était installée la Garde présidentielle rwandaise et parait-il, selon plusieurs témoignages rwandais, un petit campement de militaires français, probablement ces quelques vingt-cinq à cinquante militaires qui sont restés après le départ de l'opération Noroît, selon les autorités françaises. Cette zone est en effet à proximité (moins de 3 km) du camp militaire des Forces armées rwandaises, le camp de Kanombe qui est attenant à la piste d'atterrissage de l'aéroport de Kigali, entre l'aéroport et la résidence du Président Habyarimana, le long de l'axe de la piste.

Les habitants de cette colline ont été massacrés en grand nombre, dans les heures qui suivirent l'attentat.

D'après le n° 97 de Raids (juin 1994), revue d'histoire militaire, quelques secondes avant le tir des missiles les balises de la piste et les lumières de l'aéroport se sont éteintes, et les deux missiles (? c'est probablement trop prêt pour des missiles)  ont été tirés depuis « le camp militaire de Kanombe » (Donc les forces arméees rwandaises d'Habyarimana et pas le FPR). Ils ajoutent : 

« À Kigali, avant même que l'avion présidentiel ne soit abattu, des barrages dirigés par des éléments de la garde présidentielles apparaissent aux points stratégiques. Vingt minutes après l'explosion de l'avion, l'endroit du point de chute est déjà bouclé par des hommes de la Garde présidentielle. Radio des mille Collines, la voix de l'aile dure du pouvoir rwandais, annoncent que ce sont les casques bleus belges qui ont abattu l'avion[...] ».

L'hypothèse de la responsabilité du FPR

Le FPR et le président Paul Kagame ont toujours nié toute implication dans l'attentat, mais une enquête française, menée par le juge « anti-terroriste » Jean-Louis Bruguière depuis le 27 mars 1998, conclu le contraire le 17 novembre 2006. Selon ces conclusions, le FPR aurait pu s'infiltrer à travers les lignes des Forces Armées Rwandaises et se rendre sur la colline de Masaka en s'appuyant sur le commando stationné dans Kigali à la suite des accords d'Arusha - dans les locaux du parlement, le CND situé à 11 km à l'opposé de la colline de Masaka par rapport à l'aéroport. 

Les missiles viendraient de l'Ouganda, mais ce sont les mêmes missiles numérotés dont les signalements ont été soigneusement analysés par les députés français en 1998 et qui avaient conclu à l'impossibilité de confirmer leur utilisation dans l'attentat. Ils avaient même parlé de manipulation dans leur conclusion de cette affaire devant leur commission. Bruguière n'apporte rien de nouveau à ce que savaient les députés sauf peut être que les Russes auraient confirmé une partie du tracé de leur provenance. Mais rien sur les éléments qui confirmeraient leur utilisation dans l'attentat.

La pièce maitresse de Bruguière serait un témoin ex-FPR, jugé peu crédible par Colette Braeckman qui l'a interviewé, qui aurait affirmé avoir participé à l'équipe qui a commis cet attentat et donc en être témoin. Un rapport d'autres participants affirmerait la même chose au Canada en 2000. Fin 2005, ce témoin, Abdoul Ruzibiza, a publié un livre, « Rwanda l'histoire secrète », où il donne sa version des faits : selon ses "parains" français, il aurait fait partie du commando FPR qui aurait tiré les missiles. Dans un article paru dans Libération le 29 novembre 2006 il rectifie et dit avoir seulement été présent sur les lieux dans une mission parralèle et indépendante de l'attentat. Le plus surprenant dans cette affaire, ce que nous écrivons depuis 2004, est que ce témoin est entré libre et ressorti libre du bureau du juge Bruguière. Avant la publication des conclusions du juge Bruguière, l'utilisation médiatique de son "rapport" fut contestée par l'avocat de la veuve du commandant de bord de l'avion d'Habyarimana, qui est à l'origine de son instruction, dans le numéro 101 de la revue Golias. Le 20 novembre 2006, selon Le Figaro sur son site internet, "La justice a donné lundi son feu vert à l’émission de mandats d'arrêt internationaux contre neuf proches de Paul Kagame. Le juge Bruguière a également recommandé que l'homme fort du Front patriotique rwandais (FPR) soit poursuivi devant le TPIR, dans le cadre de l'enquête française sur l'attentat contre l'avion de son prédécesseur en 1994."  

Les nombreuses et graves faiblesses de l'enquête du juge Bruguière ont été analysées de façon rigoureuse par Jacques Morel et Georges Kapler. On a du mal à croire que le travail d'un juge français soit aussi médiocre et douteux. Pourtant l'argumentation de Morel et Kapler est difficile à réfuter. (voir notre dossier Attentat du 6 avril)

Il n'empêche que rien ne permet de conclure pour autant à la non culpabilité du FPR, même si les arguments du juge sont médiocres.

L'hypothèse des extrémistes du "hutu power"

Selon le Général Dallaire et le rapport des députés français, malgré l'audition du Général Quesnot, Chef d'état major de François Mitterrand, qui affirme le contraire, le FPR a attendu deux ou trois jours avant de réagir. Ce qui laisse penser que le FPR n'aurait pas été préparé à cet événement qui mettait en situation très délicate le commando qui se trouvait stationné dans Kigali.

De nombreux éléments plaident en faveur de cette piste. De fait il y a eu un coup d'état, malgré ou à la faveur de cet attentat. Dès l'attentat commis, des opposants démocrates hutu sont assassinés. La première ministre Agathe Uwilingiyimana fut assassinée par la garde présidentielle le lendemain de l'attentat à 500 mètres de l'ambassade de France et ne put assurer l'intérim. Le Colonel Bagosora qui s'était opposé verbalement à ce qu'Agathe Uwilingiyimana effectue l'intérim, devint l'homme fort de Kigali pendant le génocide. 

Le soir même de l'assassinat d'Agathe Uwilingiyimana, l'ambassadeur de France et le Colonel Maurin rencontrèrent le Colonel Bagosora. Le Colonel Bagosora, qui travaillait sous les ordres du Chef d'état major tué dans l'attentat, est considéré comme le cerveau présumé du génocide, selon une opinion mondiale qui s'attache au « visible à l'écran » et ne s'intéresse pas assez à d'éventuels « inspirateurs ». Le 7 avril, dix casques bleus belges sont assassinés, signal qui déclenchera la désintégration de la Mission des nations unies (MINUAR) et à partir du 8 avril le colonel Bagosora, qui n'a plus de supérieurs hiérarchiques, a la situation bien en main pour constituer en quelques jours, parfois dans les locaux de l'ambassade de France, le gouvernement intérimaire qui mènera le génocide de manière implacable, mais ne réussira pas à empêcher la progression du FPR dans tout le Rwanda.

L'hypothèse d'un piège qui se serait retourné contre ses concepteurs

La "piste burundaise", évoquée par le rapport des députés français de façon curieusement circonspecte (cela rappelle d'autres volets sensibles de ce rapport pointés par la commission d'enquête citoyenne), et tout ce qui tourne autour du "regroupement" dans l'avion présidentiel rwandais des principaux dirigeants hutu du Rwanda et du Burundi. Etait-ce pour les protéger ou pour les abattre ensemble ? Les faits semblent répondre d'eux-même à la question, mais si c'était pour les protéger, il faudrait s'interesser à ce qui s'est passé dans l'autre avion, celui du président burundais, avec lequel il s'était rendu à la réunion régionale des chef d'Etat. Le président burundais devait-il aller aussi à Kigali ensuite avec son propre avion ? Si la menace pesait sur l'avion burundais, pourquoi est-ce l'autre avion qui a été abattu et surtout pourquoi à Kigali alors que cela aurait pu être à Bujumbura ? Autant de questions qui mériteraient une enquête.  

Une étrange hypothèse a été ainsi émise par l'OBSAC en novembre 2006 : En regroupant les deux présidents dans l'avion rwandais on aurait projeté d'abattre l'avion burundais qui devait précéder celui du président rwandais à Kigali. Le chef d'état major burundais sentant le piège aurait déjoué ce projet et l'avion burundais, également un Falcon 50 selon les conclusions du juge Bruguière ou un avion vétuste selon les députés français, ne se serait pas présenté le premier mais aurait fait route vers Bujumbura. Il s'agirait donc d'une confusion dans un piège tendu. Le mobile aurait été que le chef d'état major burundais était considéré comme le responsable de l'assassinat fin 1993 du premier président hutu démocratiquement élu au Burundi. Son assassinat aurait constitué le signal du déclenchement du génocide pour booster les hutu dans le conflit avec le FPR et/ou les massacres génocidaires. C'est cette hypothèse qui relance la possible participation française à l'attentat et rend parfaitement explicable la mort de François de Grossouvre et celle des opérateurs radios Didot et du gendarme Maier, en relation avec cet attentat.

Aucune enquête internationale

L'ONU n'a pas fait d'enquête sur cet attentat. Devant le sénat de Belgique, la personne mandatée par l'ONU pour conduire cette enquête, M. Degni-Segui [lire], déclarera n'avoir pu obtenir, ni de la France, ni des FAR (armée du gouvernement intérimaire qui menait le génocide), les éléments nécessaires à ce travail. Aucune des personnes ayant eu accès au lieu du crash n'a communiqué ses informations au représentant de l'ONU chargé de l'enquête en mai 1994. La garde présidentielle rwandaise et les officiers français présents ont donc refusé de collaborer à une enquête internationale. D'autre part le capitaine français Paul Barril prétendit à la télévision française détenir la boîte noire de l'avion, dont le constructeur Dassault déclara qu'il n'y en avait pas, pour le démentir ensuite. D'après le rapport des députés français, des militaires français se sont rendus auprès des débris de l'appareil aussitôt après l'attentat, bien qu'officiellement seule la garde présidentielle y ait eu accès.  (page 247 du rapport du parlement français) :
"pour ce qui concerne la France, les visites du Lieutenant-Colonel Grégoire de Saint-Quentin sur les lieux du crash n’ont pas permis d’obtenir une version rendue publique du déroulement de l’attentat, pas plus que les éléments que prétend détenir M. Paul Barril"
La complexité juridique et politique de cette affaire exigeant de nommer une commission d'enquête, l'ONU, dont la France est un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité, refusera « faute de budget ».

On doit aussi souligner que Paul Barril n'a pas été auditionné par la mission parlementaire française, celui-ci ayant réservé ses paroles au juge Bruguière. 

Le 21 novembre 2006, en même temps que le juge Bruguière publiait ses conclusions accusant le FPR, la France a bloqué l'audition du Colonel Grégoire de Saint-Quentin devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda, alors qu'il examinait cette période de l'attentat dans un procès dit des militaires, concernant entre autre le "cerveau du génocide".  Cette coïncidance rappelle que c'est la troisième fois que des français évitent  de rendre compte de ce qui s'est passé ce jour là. cf notre article. Finalement il témoignera, quelques jours après notre article, en video conférence, flanqué d'officiers français qui peuvent l'empêcher de répondre à certaines questions ! C'est transparent.

La « boîte noire » de l'avion a fait l'objet d'un épisode médiatique rocambolesque en 2004. Retrouvée à l'ONU sur l'insistance apparemment bien renseignée du journal français Le Monde, une expertise révéla qu'elle ne pouvait pas être celle de l'avion d'Habyarimana. En toute hypothèse, cette boîte devenue mythique ne devrait rien révéler sur l'identité des tireurs des missiles.

Au sujet des missiles, voir plus bas le lien vers notre page détaillée sur l'attentat. Rien n'est clair sur leur origine et leur marque, si ce n'est qu'il s'agirait de missiles sol-air.

On ne peut que remarquer que les divers acteurs français ont multiplié les affirmations contradictoires rendant l'affaire encore plus embrouillée. Des acteurs francophones entretiennent l'idée de la responsabilité du FPR sur la base d'une enquête publiée plus de douze ans après les faits et dont la publication sans cesse reportée entretenait ce qui ressemble très fort à une campagne de désinformation. Pierre Péan, qui a la réputation d'être un journaliste d'investigation, a commis fin 2005, un livre s'appuyant sur celui de Ruzibiza, qui fait prospérer en rumeur l'affirmation de la thèse de la responsabilité du FPR dans cet attentat, présentée abusivement comme étant sans l'ombre d'un doute. Il qualifie aussi tout au long de son livre de mensonges toute information venant de notre association Survie qu'il accuse d'être "le cabinet noir du FPR en France". ("Noires fureurs, blancs menteurs" : Il ne nous a jamais rencontré pour son "investigation" sur nos "mensonges"... et n'est pas non plus allé au Rwanda, pas plus d'ailleurs que le juge Bruguière).

La décision de novembre 2006 du juge Bruguière montre qu'il a donc attendu presque trois ans après l'article du journal Le Monde, de mars 2004, qui analysait les fuites du "rapport Bruguière". Pourquoi ? Il semble que ce soit lié au processus entamé par les autorités rwandaises depuis août 2004 pour "réunir les preuves de l'implication de la France dans le génocide au Rwanda". Cette décision apparait donc comme un bras de fer avec l'Etat rwandais. Cette action judiciaire intervient également alors que la dernière phase du procès du "cerveau du génocide" est entamée au Tribunal pénal international pour le Rwanda, ce qui n'est certainement pas un hasard car le Colonel Bagosora est l'autre auteur possible de l'attentat, et alors qu'un officier français devait témoigner contre le gré de la France, à la demande du Tpir.

Pour notre part nous ne savons pas qui est l'auteur de l'attentat et nous n'avons pas les moyens humains, politiques, juridiques et financiers pour faire cette enquête. Dans cette affaire la France et le Rwanda sont juge et partie. Nous aimerions que la France exige du conseil de sécurité de l'ONU, dont elle est l'un des cinq membres permanents, qu'une enquête internationale impartiale soit conduite sur cette affaire. Pourquoi les USA, la Chine, le Royaume-Uni et la Russie ne l'exigent-ils pas ? La lâcheté de la communauté internationale pendant le génocide continuerait-elle de la même manière et toujours avec le concours de la France ?

Etude détaillée ^

La semaine qui a suivi l'attentat ^

Les premiers jours du génocide ont été marqués par une suite d'événements significatifs et déterminants. Ceux qui ont auscultés ces premiers jours s'accordent pour dire que le Colonel Bagosora, directeur de cabinet au ministère de la Défense, qui avait autorité sur la Garde présidentielle, s'affirmera comme le chef d'orchestre des événements rwandais.

 

Déclenchement des premiers massacres dès l'aube du 7 avril 1994 ^

 

En quelques heures la garde présidentielle et les milices Interahamwe entrent en action dans Kigali et dans certaines régions du Rwanda, notamment dans le Nord-Ouest. Même si l'événement de l'attentat n'était bien évidemment pas connu à l'avance, il semble que pour tous les Rwandais, de tout bord, il ait constitué un signal fort et unanime. Ceux qui allaient tuer savaient ce qu'ils avaient à faire, ceux qui étaient des Tutsi, ou des responsables Hutu modérés, comprirent aussitôt qu'ils seraient attaqués.

 

 

Assassinat de Madame Agathe Uwilingiyimana, premier ministre et de responsables Hutu modérés ^

Dans la nuit du 6 au 7 avril l'état-major des FAR et celui de la gendarmerie, menés par le Colonel Bagosora, s'affrontent verbalement avec le général Roméo Dallaire, commandant de la MINUAR, qui rappelle l'autorité légale du premier ministre pour prendre le contrôle de la situation. Le Colonel Bagosora conteste avec âpreté son autorité. Le général Roméo Dallaire décide de donner une escorte de casques bleus à Madame Agathe Uwilingiyimana pour la protéger et lui permettre de lancer un appel au calme à la radio dès le lendemain matin. Le matin la garde présidentielle investit la radio d'état et Madame Uwilingiyimana dut annuler son discours. Au milieu de la journée, elle fut assassinée par la garde présidentielle.

D'autres responsables modérés, favorables aux accords d'Arusha, ont été assassinés rapidement. Ils échouèrent dans l'assassinat du premier ministre pressenti par les accords d'Arusha : Faustin Twagiramungu qui pu être mise en sécurité par la MINUAR.

 

 

Assassinat de dix casques bleus belges ^

Les quinze casques bleus devant protéger le premier ministre, Madame Uwilingiyimana, ont été capturés par la garde présidentielle. Cinq d'entre eux, ghanéens, ont été rapidement libérés. Les dix autres étaient belges et ont été exécutés. Bagosora et son entourage ont aussitôt conseillé au Général Roméo Dallaire qu'il valait mieux que les Belges s'en aillent car la radio des mille collines les accusaient d'être les auteurs de l'attentat contre l'avion présidentiel... ce qui expliquait, selon eux, la colère incontrôlable de cette unité. Le général Roméo Dallaire avait été informé dès janvier 1994, par un informateur qu'il nomma « Jean-Pierre », que le plan prévoyait de s'attaquer aux soldats belges pour faire partir la MINUAR, dont ils étaient l'élément majoritaire.

 

 

Evacuation des personnels étrangers par la Belgique et la France ^

La France et la Belgique constituèrent deux opérations militaires d'évacuation qui sont détaillées dans le chapitre sur le rôle de la communauté internationale. La France évacua aussi des dignitaires, des familles de dignitaires du régime Habyarimana et les enfants d'un orphelinat présidentiel.

Ces évacuations furent à l'origine de deux controverses très vives : L'une sur les capacités des forces occidentales de tuer dans l'œuf le génocide. Des soldats américains étaient aussi présents au Burundi à deux cent kilomètres au sud de Kigali à ce moment là, et d'autres forces occidentales étaient à quelques heures d'avion. Des militaires affirment que toutes ces forces avaient la capacité de prendre le contrôle de Kigali... et d'apporter un soutien décisif à la MINUAR qui était maintenue dans un état de sous équipement lamentable. L'autre controverse concerna le refus net et catégorique, sur le terrain, d'évacuer des Tutsi. La Belgique évacua un très petit nombre de Tutsi qui avaient réussi par des négociations et un certain culot à s'infiltrer dans les populations évacuées.

 

 

Constitution du gouvernement intérimaire ^

Ce gouvernement s'est constitué à partir de l'assassinat de Madame Uwilingiyimana, premier ministre. Son premier ministre fut le premier condamné par le Tribunal pénal international pour le Rwanda pour sa responsabilité dans l'organisation du génocide : Jean Kambanda, qui plaida coupable. Lire les sous-chapitre 14.4 à 14.8 du rapport de l'OUA. Ce gouvernement se caractérisa par la conduite du génocide. La plupart de ses membres ont été jugés ou sont en cours de jugement au TPIR. Il semble qu'il y ait eu une lutte d'influence entre le Colonel Bagosora, qui contrôlait la Garde présidentielle, et l' État-Major des FAR qui souhaitait instaurer un gouvernement civil. Ce gouvernement fut donc le résultat d'un compromis de circonstances et Bagosora, renonçant à un gouvernement militaire, « mis en place », selon les termes du rapport de l'OUA, un gouvernement formé de civils adeptes du Hutu Power, courant transversal aux partis politiques, motivé par l'extermination des Tutsi.

 

 

Relance de la guerre civile entre les F.A.R. et le F.P.R. ^

Les accords d'Arusha, conclus en août 1993, avaient permis l'installation dans Kigali de six cent militaires du FPR. Il semble que le FPR ait outrepassé le nombre prévu. La date de la reprise des combats entre le FPR et les FAR a fait l'objet de polémiques diverses, en partie liées à l'attribution des responsabilités dans l'attentat du 6 avril. Le général Quesnot, chef d'état major de l'Elysée au moment du génocide, a soutenu dans son audition devant les députés français, que le FPR s'était immédiatement mis en action après l'attentat. Les députés français, après divers recoupements, n'ont pas retenu cette version et ont fixé la reprise effective des combats par le FPR le 10 avril 1994. Dans son livre, le général Roméo Dallaire parle de provocations dès le 7 avril par les FAR à l'égard du bataillon FPR posté à Kigali. L'ordre de mission de l'opération Amaryllis, daté du 8 avril 1994, confirme la version du général Dallaire, puisque, dans sa description de la situation, il est écrit (Annexes du rapport de la mission parlementaire française) :

  • Attaque du bataillon FPR
  • Arrestation et élimination des opposants et des Tutsi
  • Encerclement des emprises de la Minuar et limitation de ses déplacements

Quoi qu'il en soit, le FPR a déployé, à partir du 10 avril selon les députés français, tous ses combattants contre les FAR.


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Un militant de Archives de Survie en Alsace a beaucoup contribué à la rédaction de cet article sur le site de Wikipédia, voir les pages Génocide au Rwanda et présenté ici sur le site de Archives de Survie en Alsace à partir d'une version de la page d'octobre ou novembre 2005, dont la dernière modification sur cette page date de fin 2006.

Pour toute observation ou question : Contact Archives de Survie en Alsace