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Les paradoxes de la crise ivoirienne 1- Gbagbo vieil opposant qui ne semble pas avoir été « acheté » par les précédents pouvoirs, apparemment fidèle à lui-même jusqu’à son élection, a été élu selon un processus démocratique, mais dans un contexte de dérapage xénophobe de la société ivoirienne. Ce dérapage a conduit à des massacres qui ont suivi les élections présidentielles, dont ceux qui ont alimenté le charnier de Yopougon. 2- Ce contexte xénophobe trouve sa source dans un découpage colonial des frontières qui a mis de facto de nombreux ivoiriens à cheval sur deux Etats. Tous les Etats frontaliers sont concernés. Les chefferies traditionnelles coexistent avec les structures administratives des indépendances et traversent allègrement les frontières étatiques. 3- Houphouët Boigny avait développé une pratique transnationale du recrutement gouvernemental, qui était probablement lié à ce contexte « pan-régional » 4- La mort d’Houphouët a donné le champ libre à la bourgeoisie ivoirienne pour reconquérir ses droits sur ce « pan-régionalisme ». Cette reconquête a pris le qualificatif d’ivoirité. Il s’est accompagné de l’exclusion de ceux qui apparaissaient comme des pièces rapportées de la politique d’Houphouët-Boigny. L’ivoirité, à la différence du problème rwandais, vise avant tout les dirigeants et leurs subordonnés, pour l’instant. 5- La légalité a été manipulée en ce sens, et a provoqué la recherche d’appuis extérieurs par les insurgés. Une enquête internationale devra déterminer quels sont ces appuis. 6- Le « pan-régionalisme » d’Houphouët-Boigny est largement confondu avec la vision françafricaine de l’Afrique de l’Ouest. 7- Les appuis extérieurs de la rébellion sont très certainement largement enracinés dans cette mouvance françafricaine. 8- Gbagbo a combattu cette mouvance au travers de son combat politique et Chirac, le chef suprême de la Françafrique déteste Gbagbo qui est soutenu depuis longtemps par les socialistes français. Les avantages ministériels, résultants de Marcoussis à l’égard des insurgés, reflètent pleinement ce coup de pouce de la françafrique : prendre le contrôle de l’Etat, intérieur et armée. Cette conséquence des accords de Marcoussis leur donnent de ce fait une connotation partisane inacceptable à juste titre par les partisans de Gbagbo. Gbagbo n’aurait pas dû accepter cette décision, mais il l’a acceptée. Pourquoi ? Ruse ou manque de clairvoyance ? Il doit assumer sa parole. 9- Les escadrons de la mort décrédibilisent Gbagbo qui pourrait être soutenus par les opposants à la françafrique, s’ils n’existaient pas. 10- Le problème de l’ivoirité est un « prétexte » de revendication du pouvoir qui décrédibilise la bourgeoisie ivoirienne qui veut profiter des structures de l’indépendance pour une fraction de la Côte d’Ivoire. 11- Le recours au coup d’Etat manqué décrédibilise les rebelles et leurs appuis, à démasquer, car ils refusent le combat démocratique au profit des armes. 12- Les deux camps se sont couverts de sang par des exécutions arbitraires et sommaires. Le problème n’a pas commencé en septembre 2002. il convient de remonter au moins au début 2000. 13- Des mercenaires français ont été remarqués dans ce conflit et décrédibilisent la France. 14- La société civile ivoirienne est la clé de l’évolution de la Côte d’Ivoire. Elle connaît son histoire et ses sources culturelles. Elle peut promouvoir une réconciliation nationale qui dépasse le forceps des indépendances et les querelles des prétendants au pouvoir. Elle ne se sent pas concernée directement par la xénophobie qui s’applique avant tout à ces prétendants. Elle seule peut légitimer un assainissement de la légalité ivoirienne qui tiendrait compte des réalités sociologiques du pays. 15- Le passé colonial et néocolonial de la France l'oblige à une discrétion politique dans la résolution du conflit. Elle doit surtout veiller, au sein des institutions européennes et internationales, à ce que les africains aient les moyens de mettre en oeuvre une solution de paix. |