Saisine contre le Dr Philippe DOUSTE BLAZY

Dr Jean DOUBOVETZKY
81000 Albi

 Dr Georges Yoram FEDERMANN
67000 Strasbourg

 

Albi et Strasbourg, le 26 juin 2004.

 

Dr Jean-Patrick LACHMANN,
Président du Conseil départemental
de l’ Ordre des Médecins du Bas-Rhin,

Objet : Saisine contre le Dr Philippe DOUSTE BLAZY
Pour violation de ses obligations déontologiques.

 

Monsieur le président et cher confrère,

 Nous sommes au regret de devoir vous demander de poursuivre le Dr Philippe DOUSTE BLAZY, actuel ministre de la santé, pour manquements graves aux devoirs déontologiques dans l’exercice de ses fonctions.

Nous avions, vous vous en souvenez, effectué une démarche analogue contre son prédécesseur, le Dr Jean-François MATTEI, fin 2003.

La réforme de l’aide médicale d’Etat (A.M.E.) remet en cause l’accès aux soins des personnes étrangères résidant dans notre pays en situation irrégulière, et le plus souvent en situation de précarité sociale et d’anomie psychique.

C’est incontestablement une loi d’exclusion du système de santé qui touche des enfants, des femmes et des hommes particulièrement vulnérables.

Nous pensons notamment aux traumatisés psychiques qui pensaient avoir trouvé un havre de paix et une espérance de soins chez nous et qui voient leur détresse psychique réactivée par l’instauration de cet espace et ce temps de non droit au pays « des droits de l’Homme ».

« La santé est en danger » estimait déjà le GISTI en février 2003.

« PRESCRIRE » vient de faire dans son numéro 251 de juin 2004 la démonstration « du recul des valeurs en France et du recul sanitaire » que cette décision entraîne.

« Comment les professionnels de santé vont-ils prendre en charge les patients sans couverture médicale, qui ne peuvent bénéficier de l’ admission immédiate à l’ aide médicale d’ Etat, et dont les troubles vont s’ aggraver, voire se transmettre à leur entourage ?

Comment les patients hospitalisés pourront-ils poursuivre leur traitement à la sortie de l’ hôpital ?

Comment les professionnels de santé vont-ils pouvoir remplir leur devoir déontologique qui confie aux médecins le rôle d’écouter, examiner, conseiller ou soigner avec la même conscience toutes les personnes quelle que soit leur origine ? »

 Nous avons alerté la Commission Nationale Consultative des Droits de l’ Homme .

Nous avons prié notre confrère, le Dr P. DOUSTE BLAZY, de bien vouloir dénoncer cette idéologie d’exclusion et de stigmatisation indigne de notre fidélité au Serment d’Hippocrate et de notre tradition d’accueil (lettre du 13 mai 2004 et « A la une » du Forum de PRESCRIRE de juillet-août 2004).

Nous lui demandions de rendre la C.M.U. vraiment universelle.

Nous étions certains que notre ministre n’accepterait pas que les médecins français puissent « sélectionner » leurs patients.

 Cette loi met les médecins dans l’impossibilité de remplir leurs devoirs déontologiques.

En particulier, il est inacceptable d’être contraints de refuser des soins à des patients qui en auraient besoin – ou de ne leur prodiguer que des soins inefficaces, en l’absence de moyens de diagnostic complémentaire et de traitement. Et d’autant plus qu’il s’agit de personnes particulièrement fragiles et démunies.

Cette loi est donc incompatible avec de nombreux articles du Code de déontologie médicale et tout particulièrement avec les articles 2, 7 et 47.

 Aujourd’hui, ce sont nos patients en situation « irrégulière » qui sont touchés de plein fouet par ces mesures discriminatoires. Qui seront les prochains groupes sociaux stigmatisés au prétexte de réaliser des économies et de responsabiliser ? Qui tiendra compte de notre peine de médecins traitants face à toute cette misère ?

 Notre exercice est directement touché par le soutien tacite du Dr Philippe DOUSTE BLAZY à cette loi, et c’est pourquoi nous nous voyons dans l’obligation de porter plainte contre lui.