LA LAITERIE - LES LISIERES,

 

CHRONIQUE D'UNE MORT ANNONCÉE.

 
 
 
 

La "municipalisation de la culture ",  voilà un thème qui, il y a quelques années encore était à peine à l'ordre du jour mais qui suscite par les temps qui courent des débats souvent passionnés. Les orientations générales des politiques de finances publiques dans notre pays, qui vont dans le sens d'un transfert progressif des financements culturels de l'Etat vers les collectivités territoriales ne peuvent que renforcer la tendance. Que l'on s'en réjouisse ou qu'on le déplore, il y a là une réalité incontournable : la vie culturelle sera de plus en plus dépendante des collectivités territoriales, municipales en  particulier.

 

 

Ainsi, un changement de municipalité à la tête d'une ville de l' importance de Strasbourg, où le budget de la culture représente plus de 20% du budget total, pose-t-il immédiatement la question de la pérennisation des projets et dynamiques culturels en cours.

 

 

Lorsque l'équipe municipale qui préside aux destinées actuelles de la Ville est arrivée aux affaires en 2001, elle n'avait pas annoncé de programme détaillé en matière culturelle. Le site de la Laiterie, friche industrielle située dans le quartier gare, affecté par la précédente municipalité au début des années 90 à la vie culturelle n'avait, semble-t-il, pas attiré l'attention des candidats aux élections.

 

 

Une fois élue, la nouvelle équipe pouvait adopter différentes attitudes par rapport à ce site constitué principalement de quatre structures très différentes : Association La Laiterie-Les Lisières dirigée par Jean Hurstel, Association Artefact couramment appelée " Laiterie Rock", Association Molodoï, Conservatoire National de Région hébergé sur le site dans l'attente de l'achèvement du bâtiment en cours de construction Place de l'Etoile.

 

 

Les nouveaux élus pouvaient légitimement mettre en avant le caractère hétérogène de l'occupation du site, le manque de coordination entre ses différentes composantes et en conclure qu'il convenait de " remettre les compteurs à zéro " en repensant l'ensemble du dispositif. Il est vrai qu’ils prétendent procéder de la sorte depuis peu mais sans pour autant que cette démarche débouche sur un projet lisible, comme on va le voir.

 

 

La nouvelle équipe avait également le pouvoir et la légitimité politique de dire à tel ou tel occupant du site : votre démarche ainsi que votre sensibilité ne nous conviennent pas, nous résilions les conventions d'occupation du site vous liant à la municipalité et cessons de vous subventionner.

 

 

En fait, l'actuelle municipalité en venant aux affaires n'a formulé aucune observation. En ce qui concerne La Laiterie-Les Lisières qui nous intéresse plus particulièrement ici, le maire et l'adjoint à la culture ont rencontré, quelques semaines après les élections, ceux qui à l'époque présidaient à ses destinées, Raymond Weber, Président  et  Jean Hurstel, directeur, auxquels les nouveaux élus ont tenu le langage suivant : nous reconnaissons votre travail que nous n'entendons nullement remettre en question.

 

 

C'est en novembre 2001 que tombe brutalement la première mesure : la ville retire à La Laiterie-Les Lisières la  salle dite du Théâtre des Lisières qui sera dorénavant affectée exclusivement à un nouveau dispositif municipal, les TAPS, sous contrôle direct d'un fonctionnaire municipal. Cette décision avait été prise alors sans la moindre discussion et sans tenir compte du fait que les Lisières imaginées par Jean Hurstel et organisées par lui amenaient au fil des ans sur le site et au théâtre des Lisères des publics nouveaux, de tous horizons sociaux, ces publics que La Laiterie-Les Lisières avaient précisément pour but de toucher.

 

 

A ce moment là, la convention d'occupation des locaux restants venait à échéance en juillet 2002 ; la municipalité nous annonce que cette convention ne sera pas renouvelée .

 

 

Suite au " Salon des Refusés" qui s'est alors tenu en janvier 2002 et au cours duquel un grand mouvement de solidarité s'est fait jour avec La Laiterie-Les Lisières, la ville fait une concession : la convention d'occupation des lieux est reconduite, mais jusqu'au 31 juillet 2003 seulement…et sans aucune indication donnée pour la suite, le départ en retraite de Jean Hurstel étant entendu. Puis on nous annonce que la subvention 2003 sera « logiquement » réduite de moitié et la Ville "promettant" même les locaux à Artefact par écrit.

 

 

C’est donc logiquement que le Conseil d’administration de l’Association, en janvier 2003, décide, au vu de cette situation, de procéder au dépôt de bilan pour le mois de juillet, et désigne un administrateur judiciaire, Me Weil. Celui-ci prend rendez-vous avec Robert Grossmann, qui le reçoit en présence de quelques membres du Conseil d’Administration, et là, oh surprise, l’attitude change radicalement : le concept lui-même des Lisières, défendu par le Conseil d'Administration, semble de nouveau intéresser fortement le maire-adjoint, qui encourage les propositions de notre part sur une poursuite de l’activité, et se «réconcilie» avec Jean Hurstel dont le départ est par ailleurs confirmé pour juillet 2003.

 

 

Un courrier du 28 février 2003 nous confirme en effet la réaffectation entière de la subvention 2003, sous certaines conditions financières (notamment le renoncement explicite à 2 créances dues par la Ville à l’Association…), en nous demandant aussi d’entamer une réflexion-concertation avec les autres acteurs du site sous l’égide du Délégué à la Culture de la Ville, Dominique Paillarse. Concertation que nous menons à bien, avec le soutien actif de Monsieur Paillarse, puisqu’une proposition commune Artefact/Lisières est finalisée début juillet !Et parallèlement, toujours et encore en étroite collaboration avec les services de la Ville, mais aussi avec l’aide de la DRAC Alsace (Ministère de la Culture), nous adoptons un profil de poste pour une nouvelle direction des Lisières.

 

 

Après une grande et belle réunion de « réflexion » de tous les acteurs du site Laiterie autour de Robert Grossmann mi-juillet, réunion qui à aucun moment ne prend en compte la proposition Artefact/Lisières, et qui laisse un goût de vide, le 31 juillet arrive, c’est le terme de notre convention d’occupation des locaux et le silence municipal est absolu, malgré nos relances.

 

 

Est-il besoin de préciser que toutes ces périodes de turbulences et d'incertitudes n'étaient pas des plus favorables à la réflexion et à la mise en place artistique et financière d'un projet à long terme, sans parler de l'insécurité dans laquelle vivent depuis des mois les 12 salariés de l'association ?

 

 

Plutôt que d'avoir dans cette confusion croissante une attitude responsable, la municipalité dégage encore en touche : en cette fin d’été 2003, l'avenir de La Laiterie-Les Lisières, après toutes ces étapes tumultueuses, est dépendante de deux décisions relevant exclusivement de la compétence municipale : le renouvellement d’une convention d’occupation des lieux, le recrutement d’un nouveau directeur.

 

 

Ce n’est que le 9 septembre dernier, une heure avant une réunion de notre Conseil d’Administration, qu’un courrier de Mr Grossmann faxé par la Ville « a le plaisir » de nous apprendre que la mise à disposition des locaux est prolongée…jusqu’au 31 décembre 2003, que la Ville entame une réflexion confiée à un de ses fonctionnaires pour la création possible d’un nouvel établissement sur le site, avec reprise des locaux au 1/1/04…

 

 

Jamais la ville n'aura eu le courage de confirmer clairement sa position sur une pérennisation ou non dans les lieux, ni évidemment celle concernant le recrutement d’un nouveau directeur, ce qui rend illusoire toute réflexion sur l'avenir de La Laiterie les Lisières.

 

 

C'est dans ce contexte d'une incroyable confusion installée au fil des mois par la municipalité, que le Conseil d'Administration n'a pu que décider de convoquer pour le 30 septembre une Assemblée Générale Extraordinaire qui décidera de la liquidation de La Laiterie-Les Lisières.

 

 

La municipalité avait en son temps retiré la salle du théâtre des Lisères à notre association et s'en était mordu les doigts compte tenu de l'image déplorable que ses manières de procéder lui avait donné.( Nos édiles municipaux sont paraît-il des lecteurs très attentifs de la presse locale..... ). Cette fois ci, "elle laisse pourrir la situation", autre procédé... Le résultat est le même. Le Conseil d'Administration de La Laiterie-Les Lisières le déplore profondément et regrette que toutes ces stratégies municipales soient conduites sans la moindre concertation : jamais un élu n'a cru bon de se déplacer au Conseil d'Administration de la Laiterie-Les Lisières pour expliquer les intentions de la municipalité ou entendre l'avis du Conseil d'Administration.

 

 

Mais la municipalité se soucie - t - elle du vide que créera la disparition des Lisières dans le paysage strasbourgeois ?

 

 

Est - elle consciente de ce que la liquidation de l'association signifie la mise au chômage d'une équipe de 12 salariés qui au fil des projets se sont dépensés pour que ce lieu singulier puisse trouver sa place dans la cité ?

 

 

 

Pour le Conseil d’administration de La Laiterie-Les Lisières,

Bruno de Beaufort, Jeff Benignus, Pierre Kretz, Madeleine Millot-Durrenberger, Pia Jung.

 

PS : tous les documents cités sont à disposition sur demande au 03 88 75 10 05.