Avant toute décision du TPIR, le colonel Bagosora reste innocent. Il a d'ailleurs la
témérité, malgré le considérable faisceau de preuves qui pèsent sur lui, de plaider
"non-coupable". Jusqu'à maintenant, une question nous hantait : mais si la France est
aussi impliquée, diplomatiquement, financièrement et militairement dans le génocide,
pourquoi les "gros bonnets" ne parlent-ils pas de la France devant le TPIR ? Certes nous
avions l'explication partielle et hypothétique que la France pouvant offrir de "garder"
les condamnés dans ses prisons, ceux-ci se gardaient bien de renforcer son implication.
Ils ont d'ailleurs vivement protesté quand le Rwanda a été autorisé à devenir aussi un
lieu de réalisation des peines d'emprisonnement du TPIR.
Le colonel Bagosora vient (enfin) de mettre un terme à cette interrogation en demandant
par la voix de ses avocats et du TPIR une collaboration juridique. Nous attendons avec un
vif intérêt la réponse de Paris.
Le colonel Bagosora est trés lié à la France. C'est le premier officier rwandais à
avoir fréquenté l'École de guerre française. Jean-Jacques Maurin et Jean-Michel
Marlaud devraient être cités comme témoins au procès de Bagosora car ils l'ont
suffisamment côtoyé. Mais le gouvernement français semble avoir tout fait pour que des
militaires ou responsables français ne soient pas convoqués comme témoins et le TPIR n'a
pas dérogé à cet accord tacite. Cette rencontre hors tribunal permettra-t-il de servir la
défense de Bagosora sans exposer devant le tribunal la connivence de la France avec ceux
qui ont déclenché le génocide ?
Cette demande de la Chambre du TPIR au gouvernement français suscitera-t-il un tollé
chez les juristes ? Dans le document du TPIR les deux personnalités françaises sont
traitées ensemble. Dans les dépêches de l'AFP on parle d'abord de l'ambassadeur
Marlaud... et ensuite, quand le lecteur a eu la perséverance d'aller jusque là, on
rapporte que le "colonel Emmanuel Maurin" est aussi concerné. La confusion de
l'AFP entre le colonel Emmanuel Morin et le lieutenant-colonel, (à l'époque),
Jean-Jacques Morin est tout à fait significative d'une entourloupe possible des services
français. Le document du TPIR parle du colonel Morin sans préciser de prénom... Est-ce un
moyen de retarder le TPIR et un autre de minimiser la demande à l'armée dans cette
affaire ?
Jean-Michel Marlaud et Jean-Jacques Maurin devraient être entendus comme témoins. Que ce
ne soit pas le cas, démontrerait combien le TPIR, tant au niveau des juges que du
procureur, ne sont pas indépendants des Etats qui dominent le Conseil de Sécurité.
Quand on connait la culture rwandaise, il est fréquent que les véritables chefs ne se
mettent pas en avant. Ainsi Paul Kagame a-t-il longtemps préféré resté le numéro 2
apparant du régime. Il en est peut être ainsi du colonel Bagosora qui n'est peut être que
le cerveau visible du génocide. Quelques personnes extrêmements influentes restent dans
l'ombre. Il conviendrait notamment de s'interroger sur certains membres de la famille du
Président Habyarimana et sur certains officiers comme le colonel Serubuga, resté en
France à Strasbourg au foyer de la rue Macon pendant plusieurs années dans la période
1994-2003, et aujourd'hui volatilisé dans la nature à notre connaissance, et auquel on ne
s'interresse pas assez.
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