Texte modifié le 26 juillet 2004
Ne faisons pas de l'angélisme démocratique : quand on lit l'interview de Pasteur
Bizimungu, qui lui est reproché, il est clair qu'il continue à utiliser les notions ethniques. Peut-on se débarrasser de
l'ethnisme en niant ses implications ? Pasteur Bizimungu entretient-il l'ethnisme en le considérant comme une réalité politique
acquise ? Ces questions doivent être clarifiées sans tabou... Les Rwandais ont un difficile héritage à gérer, qu'ils sont seuls à
pouvoir régler. Rappelons seulement que nous combattons en France les concepts négationnistes des génocides arméniens, juifs,
tziganes et tutsi. Nous ne pouvons être plus complaisants avec les négationnismes rwandais, qu'avec leurs soutiens internationaux
et plus particulièrement français.
Ces identifications "ethniques" sont de nature socioprofessionnelle à l'origine. Elles ne sont pas ethniques. Leur manipulation
a fait beaucoup de dégâts. En France il n'est pas grave de dire que le pouvoir est colonisé par les énarques, telle ou telle
entreprise par les anciens élèves de telle grande école, voire que tel parti occupe tous les postes... Mais les notions
hutu/tutsi, pourtant de même nature à l'origine, sont devenues au Rwanda des causes de racisme génocidaire. Pasteur Bizimungu a
sans doute était imprudent...et a même dit quelques contre-vérité ("l'armée est mono ethnique" par exemple).
Le plus grave dans cet article est qu'il tente de glisser vers la théorie du double génocide en suggérant que tous les morts de
la guerre au Congo seraient de la seule responsabilité des Tutsi. Clairement le Bizimungu de 1973 refait surface. En 1973, à peine
sorti des études au Rwanda, il est devenu rédacteur en chef de l'ORINFOR (office rwandais d'information) et aurait soutenu les
violences contre les Tutsi dans le système éducatif à cette époque.
Est-ce que cela mérite 15 ans prison ? Dans ce cas il faudrait mettre Onana, Erny, de Villepin, Védrine et quelques autres en
prison pour quinze ans...
On ne fait pas une démocratie avec les seules vertus des hommes au pouvoir, mais aussi avec celles des opposants. Aucune
opposition au Rwanda ne peut être crédible si elle ne repose pas sur un refus net et sans démagogie du génocide. Pasteur
Bizimungu, comme trop de responsables ayant soutenu l'ancien régime avant son engagement dans le FPR en 1991, ou de responsables
français, ne semble pas mesurer cette nécessité morale. Mais cela n'excuse pas la sévérité très excessive et très unilatérale de
la peine dont il est l'objet.
Cette décision est particulièrement grave. Ce qui est reproché à Pasteur Bizimungu apparaît cependant minime par rapport aux
crimes contre l'humanité injugés du FPR. Dans la hiérarchie des actes condamnables qui font obstacle à la réconciliation des
Rwandais on doit citer dans l'ordre de priorité :
- 1-Les crimes de génocide de l'ancien régime, qui concernent les membres du gouvernement intérimaire, les anciens dignitaires
planificateurs du génocide, la majorité des dirigeants des FAR , les miliciens, les tueurs enrôlés à des degrés divers, des
responsables politiques, diplomatiques, médiatiques et militaires français, des responsables américains et belges. (Environ 1
million de morts.)
- 2-Les crimes contre l'humanité et crimes de guerre de l'APR, bras armé du FPR, devenue armée nationale du Rwanda, sur le
territoire du Rwanda (plus ou moins 40 000 morts) et sur le territoire de la RDC/Zaïre (50 000 à 100 000 morts)
- 3-Les politiciens rwandais et étrangers qui chercheraient à entretenir la division ethnique au Rwanda, sans pour autant
souhaiter la continuation du génocide, mais jouant avec le feu en toute inconscience et impunité...
Dans cette hiérarchie, on voit bien que le deuxième degré, les crimes de l'APR, est évité, exactement comme en Occident on a
évité de juger les crimes contre l'humanité des alliés (USA, Angleterre, France, Russie, etc) pendant la seconde guerre mondiale.
De ce fait la condamnation de Pasteur Bizimungu apparaît particulièrement sévère et discriminatoire. On écarte visiblement un
opposant gênant. On condamne la réconciliation des Rwandais en pratiquant deux poids et deux mesures.
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