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Pasteur Bizimungu

Pasteur Bizimungu avait incarné la réconciliation entre Hutu et Tutsi après le génocide

Rwanda : une condamnation peu raisonnable
Editorial de Sharon Courtoux dans Billets d'Afrique de juillet août 2004

 
Et sur les sites WEB
Appel pour "la libération immédiate" de l'ex-président rwandais Bizimungu (AFP/Africatime 21/05/2004)
Pâques 2007 : une bonne nouvelle (tardive) pour la marche vers la démocratie au Rwanda
L'ex-président rwandais, en prison, demande à être gracié
 7sur 7 22/04/2006
Rwanda: l'ex-président Bizimungu reste en prison
AP 17.02.06 Nouvel Obs
Report de la décision d'appel au 17 février 2006
Verdict de la Haute cour sur la condamnation de l'ex-président
HRW 16/01/2007
Jugement historique attendu pour l'ancien président et sept autres accusés
HRW 16/01/2006
L'ex-president Bizimungu libre de cooperer ou non avec la defense de Zigiranyirazo, selon Kigali
FH 19/08/2005
Le procès en appel de l'ex-président rwandais renvoyé devant la Cour suprême
(L'Express 21/04/2005)
L'ex-président Bizimungu va faire appel de sa condamnation
AFP/Jeune Afrique - L'intelligent 10 juin 2004
"L'ex-président rwandais Pasteur Bizimungu a été condamné hier à Kigali par un tribunal rwandais à quinze ans de prison. «J'ai retenu contre Pasteur Bizimungu cinq ans pour détournement de deniers publics, cinq ans pour des rumeurs incitant à la désobéissance civile et cinq ans pour association de malfaiteurs», a indiqué le président du tribunal, Fred Mulindwa." (Extrait du Figaro du 8/06/2004)

Texte modifié le 26 juillet 2004

Ne faisons pas de l'angélisme démocratique : quand on lit l'interview de Pasteur Bizimungu, qui lui est reproché, il est clair qu'il continue à utiliser les notions ethniques. Peut-on se débarrasser de l'ethnisme en niant ses implications ? Pasteur Bizimungu entretient-il l'ethnisme en le considérant comme une réalité politique acquise ? Ces questions doivent être clarifiées sans tabou... Les Rwandais ont un difficile héritage à gérer, qu'ils sont seuls à pouvoir régler. Rappelons seulement que nous combattons en France les concepts négationnistes des génocides arméniens, juifs, tziganes et tutsi. Nous ne pouvons être plus complaisants avec les négationnismes rwandais, qu'avec leurs soutiens internationaux et plus particulièrement français.

Ces identifications "ethniques" sont de nature socioprofessionnelle à l'origine. Elles ne sont pas ethniques. Leur manipulation a fait beaucoup de dégâts. En France il n'est pas grave de dire que le pouvoir est colonisé par les énarques, telle ou telle entreprise par les anciens élèves de telle grande école, voire que tel parti occupe tous les postes... Mais les notions hutu/tutsi, pourtant de même nature à l'origine, sont devenues au Rwanda des causes de racisme génocidaire. Pasteur Bizimungu a sans doute était imprudent...et a même dit quelques contre-vérité ("l'armée est mono ethnique" par exemple).

Le plus grave dans cet article est qu'il tente de glisser vers la théorie du double génocide en suggérant que tous les morts de la guerre au Congo seraient de la seule responsabilité des Tutsi. Clairement le Bizimungu de 1973 refait surface. En 1973, à peine sorti des études au Rwanda, il est devenu rédacteur en chef de l'ORINFOR (office rwandais d'information) et aurait soutenu les violences contre les Tutsi dans le système éducatif à cette époque.

Est-ce que cela mérite 15 ans prison ? Dans ce cas il faudrait mettre Onana, Erny, de Villepin, Védrine et quelques autres en prison pour quinze ans...

On ne fait pas une démocratie avec les seules vertus des hommes au pouvoir, mais aussi avec celles des opposants. Aucune opposition au Rwanda ne peut être crédible si elle ne repose pas sur un refus net et sans démagogie du génocide. Pasteur Bizimungu, comme trop de responsables ayant soutenu l'ancien régime avant son engagement dans le FPR en 1991, ou de responsables français, ne semble pas mesurer cette nécessité morale. Mais cela n'excuse pas la sévérité très excessive et très unilatérale de la peine dont il est l'objet.

Cette décision est particulièrement grave. Ce qui est reproché à Pasteur Bizimungu apparaît cependant minime par rapport aux crimes contre l'humanité injugés du FPR. Dans la hiérarchie des actes condamnables qui font obstacle à la réconciliation des Rwandais on doit citer dans l'ordre de priorité :

  • 1-Les crimes de génocide de l'ancien régime, qui concernent les membres du gouvernement intérimaire, les anciens dignitaires planificateurs du génocide, la majorité des dirigeants des FAR , les miliciens, les tueurs enrôlés à des degrés divers, des responsables politiques, diplomatiques, médiatiques et militaires français, des responsables américains et belges. (Environ 1 million de morts.)
  • 2-Les crimes contre l'humanité et crimes de guerre de l'APR, bras armé du FPR, devenue armée nationale du Rwanda, sur le territoire du Rwanda (plus ou moins 40 000 morts) et sur le territoire de la RDC/Zaïre (50 000 à 100 000 morts)
  • 3-Les politiciens rwandais et étrangers qui chercheraient à entretenir la division ethnique au Rwanda, sans pour autant souhaiter la continuation du génocide, mais jouant avec le feu en toute inconscience et impunité...

Dans cette hiérarchie, on voit bien que le deuxième degré, les crimes de l'APR, est évité, exactement comme en Occident on a évité de juger les crimes contre l'humanité des alliés (USA, Angleterre, France, Russie, etc) pendant la seconde guerre mondiale. De ce fait la condamnation de Pasteur Bizimungu apparaît particulièrement sévère et discriminatoire. On écarte visiblement un opposant gênant. On condamne la réconciliation des Rwandais en pratiquant deux poids et deux mesures.