Ce discours, tenu par Léon Mugesera lors d'un meeting du MRND à Kabaya en préfecture de Ruhengeri le 22 novembre 1992 porte en lui tous les germes du génocide à venir et tous les "ingrédients" qui feront le style des "médias du génocide" (RTLM, Kangura...) : tous les Tutsi sont des "inyenzi" (cancrelats), les Hutu démocrates sont des "traîtres", les références bibliques et les comparaisons avec les Juifs (et en particulier les Juifs éthiopiens) sont déjà là ainsi que la réécriture de l'histoire orale rwandaise.
Ancien professeur à l'Université Nationale du Rwanda, ancien conseiller politique à la permanence du parti unique M.R.N.D., ex-responsable de la commission chargée de la rénovation du M.R.N.D. et ancien membre et vice-président du comité préfectoral du M.R.N.D. à Gisenyi, Léon Mugesera fait l'objet d'enquêtes du TPIR et du Parquet de Kigali. Ceci est la traduction en français par le Professeur Thomas Kamanzi, linguiste, Directeur du Centre d'Etudes Rwandaises à l'Institut de Recherche Scientifique et Technologique à BUTARE. Vous trouverez sur le site "Rwanda 94" (rubrique documents) de Michel Ognier, une mise en relation très intéressante du texte en kinyarwanda et de sa traduction en français et quelques -judicieux- commentaires.
Notre
mouvement, longue vie... Que le président Habyarimana ait longue vie... Que
nous militants du Mouvement ici réunis, nous ayons longue vie.
Militants de notre mouvement, comme nous sommes tous ici réunis, je pense
que vous saisirez le sens du mot que je vais vous adresser : Je vous parlerai
de quatre points seulement. Dernièrement, je vous ai dit que nous avons refusé
le mépris. Encore aujourd'hui, nous le refusons ! Je n'y reviendrai plus !
Quand je considère la foule immense constituée par nous tous ici réunis, il
est clair que je devrais omettre de vous parler du premier point à traiter
: car j'allais vous demander de vous méfier des coups de pied du MDR agonisant
! Cela est le premier point. Le deuxième point sur lequel je voudrais que
nous échangions des idées, est qu'il ne faut pas que nous nous laissions envahir
! Que ce soit ici où nous nous trouvons, que ce soit aussi à l'intérieur du
pays. Cela est le deuxième point. Le troisième point dont je voudrais vous
entretenir est également un point important à savoir la manière dont nous
devons nous comporter pour que nous nous protégions contre les traîtres et
contre ceux qui veulent nous porter préjudice. Ce par quoi je vais justement
terminer, c'est cette manière dont nous devons nous comporter.
Le premier point donc, que je voudrais vous soumettre, est ce point important
que je voudrais porter à votre connaissance. Comme MDR, PL, FPR ainsi que
le fameux parti appelé PSD et même le PDC s'agitent ces jours-ci. Sachez pourquoi
ils s'agitent et ils s'agitent dans le but de porter atteinte au Président
de la République, à savoir, lui le Président de notre Mouvement mais cela
ne leur réussit pas. Ils s'agitent contre nos militants ; sachez la raison
pour laquelle ces agitations sont en train de se produire : en fait, lorsque
quelqu'un va mourir, c'est qu'il a déjà en lui la maladie ! Le voleur Twagiramungu
s'est présenté à la radio en sa qualité de Président du parti, et c'est lui
qui en avait fait la demande, pour y aller parler contre la CDR. Mais il y
fut terrassé par cette dernière. Après qu'elle l'y eût terrassé, dans tous
les taxis, partout à Kigali, des Militants du MDR, du PSD, ainsi que les complices
des Inyenzi, ont été profondément humiliés, jusqu'à en devenir presque morts
! Et même Twagiramungu lui-même, a complètement disparu. Il ne s'est même
plus montré dans le bureau où il travaillait ! Je vous assure que le parti
de cet homme s'est couvert de honte : tout le monde a eu peur et ils ont failli
en mourir ! Etant donné donc que ce parti ainsi que ceux-là qui partagent
ses opinions sont des complices des inyenzi, quelqu'un de parmi eux du nom
de Murego à son arrivée à Kibungo, a pris la parole pour dire : "Nous
autres, nous descendons des Bahutu et effectivement nous sommes des Bahutu".
On lui répondit : "Puisses-tu perdre par la mort tes frères ! Dis-donc,
de qui tiens-tu ces propos relatifs aux Bahutu ?". Ils se fâchèrent jusqu'à
en devenir presque morts ! C'est alors que le Premier Ministre du nom, dit-on,
de je ne sais pas s'il faut dire Nsengashitani (Je-prie-Satan) ou (Nseng)
Iyaremye (Je-prie-le-Créateur) s'est mis en route vers Cyangugu pour aller
empêcher aux Bahutu de se défendre contre les Batutsi qui posaient des mines
contre eux. Vous avez entendu cela à la radio. Alors on l'a raillé, vous l'avez
vous-même entendu, et il a perdu la tête, lui et tous les militants de son
parti, ainsi que ceux des autres partis qui partagent ses opinions. Vous comprenez
donc que c'est à ce moment où ces gens venaient d'essuyer un tel revers, que
le président de notre parti, son Excellence le Général-Major Habyarimana Juvénal
a pris la parole à son arrivée à Ruhengeri. L'"Invincible" s'est
présenté solennellement, tandis que les autres-là disparaissent sous terre
! Dans leurs agitations, ces gens étaient presque morts de s'agiter, car ils
avaient appris que tout le monde, y compris même ceux qui se réclamaient d'autres
partis, étaient en train de les quitter pour revenir dans notre parti, grâce
au discours de notre Chef. Leurs coups de pied menaceraient le plus averti.
Néanmoins, étant donné notre nombre, je me rends compte que nous sommes si
nombreux qu'ils ne pourraient pas trouver où les donner : ils perdent leur
temps ! C'est donc là le premier point. Le MDR et les partis qui partagent
ses opinions sont en train d'agoniser. Evitez leurs coups de pied. Comme je
l'ai constaté, même un coup d'ongle ne pourra vous effleurer !
Le deuxième point dont j'ai décidé de vous entretenir, c'est de ne pas vous
laisser envahir. A tout prix, vous quitterez ces lieux en emportant avec vous
cette parole, à savoir ne pas vous laisser envahir. Dis-donc, toi homme, toi
père ou mère ici présents, si quelqu'un vient un jour s'installer dans ton
enclos et y défèque, accepteras-tu encore réellement qu'il y revienne ? Cela
est tout à fait interdit. Sachez que la première chose importante...vous avez
vu ici nos frères de Gitarama. Leurs drapeaux, c'est moi qui les ai distribués
lorsque je travaillais au siège de notre parti. Partout à Gitarama, on les
a hissés. Mais quand tu viens de Kigali, que tu continues d'avancer pour pénétrer
dans Kibilira, plus aucun drapeau du MRND ne s'y trouve : on les a descendus
! Quoi qu'il en soit, vous le comprenez vous-même, les prêtres nous ont appris
de bonnes choses ; notre Mouvement aussi est un mouvement pour la paix. Cependant,
il faut qu'on sache que, pour notre paix, il n'y a pas d'autre moyen de l'avoir
que de se défendre soi-même. Certains ont cité l'adage suivant : "Qui
veut la paix prépare toujours la guerre". C'est ainsi donc que, dans
notre préfecture de Gisenyi, c'est la quatrième ou la cinquième fois que j'en
parle, ce sont eux qui ont agi les premiers. Il est écrit dans l'Evangile
que si l'on te donne une gifle sur une joue, tu offriras l'autre pour qu'on
tape dessus. Moi je vous dis que cet Evangile a changé dans notre mouvement
: si on te donne une gifle sur une joue, tu leur en donneras deux sur une
joue et ils s'effondreront par terre pour ne plus reprendre leurs esprits
! Ici donc, plus rien de ce qui s'appelle leur drapeau, plus rien de ce qui
s'appelle leur bonnet, plus rien même de ce qui s'appelle leur Militant ne
doit venir sur notre sol pour y prendre la parole : je veux dire dans tout
Gisenyi, sur toute son étendue !
(un proverbe) dit : "L'(hyène) mange les autres mais lorsqu'on va la
manger elle se fait amère" ! Qu'ils sachent qu'un homme en vaut un autre
; notre enclos aussi (le parti) ne se laisse pas non plus envahir. Sachez
donc que se laisser envahir est interdit ! Il y a également une autre chose
dont je voudrais vous parler au sujet de "ne pas se laisser envahir"
et que vous devez refuser car ce sont des choses effrayantes. Notre aîné Munyandamutsa
vient de vous dire ce qu'il en est en ces mots : "Nos inspecteurs actuellement
au nombre de cinquante-neuf à travers le pays viennent d'être chassés".
Dans notre préfecture de Gisenyi il y en a huit ! Dites-moi, chers parents
ici réunis, avez-vous jamais vu, je ne sais pas si elle est encore une mère
de famille, avez-vous jamais vu donc cette femme qui dirige le Ministère de
l'Education, venir elle-même savoir que vos enfants ont quitté la maison pour
aller faire étude ou retourner à l'école ? N'avez-vous pas entendu qu'elle
a dit que désormais plus personne ne retournera à l'école ? Et maintenant,
elle s'en prend aux éducateurs ! Je voudrais porter à votre connaissance qu'elle
les a convoqués à Kigali pour leur dire qu'elle ne veut plus entendre qui
que ce soit dire qu'un Inspecteur-éducateur s'est fait inscrire dans un parti
politique. Ils lui ont répondu : "Quitte d'abord ton parti parce que
toi-même tu es Ministre et tu te trouves dans un parti politique et alors
nous suivrons ton exemple". Elle y est encore ! Vous avez entendu également
à la Radio que ces jours elle insulte même notre Président ! Avez-vous jamais
entendu une mère aller proférer des injures publiquement ? Ce que je voudrais
donc vous dire ici, et c'est la vérité, ce n'est pas un doute pour dire que
ce serait ceci ou cela, c'est qu'il y aurait, paraît-il, parmi eux des gens
qui se seraient comportés de manière légère. Ils sont poursuivis pour leur
appartenance au MRND, vous l'avez entendu ? Ils sont poursuivis pour leur
appartenance au MRND. Franchement, accepterons-nous qu'ils viennent nous envahir
pour nous arracher au MRND et nous prendre nos hommes ?
Je vous demande de mener deux actions très importantes. La première est que
vous écriviez à cette femme éhontée qui profère des injures publiquement et
sur les antennes de notre Radio à nous tous les Rwandais. Que vous lui écriviez
pour lui faire savoir que ces éducateurs qui sont des nôtres, sont irréprochables
quant à leurs mœurs et comportements et qu'ils s'occupent avec soin de nos
enfants ; qu'il faut que ces éducateurs continuent d'éduquer nos enfants,
et qu'il faut qu'elle s'amende. Cela est la première action que je vous demande
de mener. Et alors vous signeriez tous massivement : le papier ne manquera
absolument pas. Si vous attendez quelques jours sans qu'elle réponde, environ
sept jours seulement, car vous enverrez la lettre confiée à quelqu'un pour
la faire parvenir à destination afin qu'il sache qu'elle l'a reçue, s'il se
passe donc sept jours sans qu'elle réponde et qu'elle se permet de faire en
sorte qu'une autre personne vienne remplacer les inspecteurs en place, retenez-le
bien, si elle croit qu'il peut y avoir quelqu'un qui viendra le remplacer
(l'inspecteur), pour celui-là qui viendra... l'endroit d'où le ministre est
originaire est le lieu appelé Nyaruhengeri, à la frontière du Burundi, (exactement)
à Butare, vous demanderez à cet homme de prendre le chemin, avec sa provision
de route sur la tête, pour aller être l'inspecteur à Nyaruhengeri. Que tous
ceux qu'elle aura nommés se retrouvent là-bas, qu'ils aillent à Nyaruhengeri
pour s'occuper de l'éducation de ses enfants. Quant aux nôtres, ils poursuivront
leur éducation par les nôtres. Ceci est encore un point important pour lequel
nous devons prendre des décisions : ce n'est pas du tout nous laisser envahir,
c'est un tabou !
Une autre chose qu'on peut appeler "ne pas se laisser envahir" dans
le pays, vous connaissez des gens qu'on appelle "inyenzi" (cancrelats),
ne les appelez plus "inkotanyi" (combattants tenaces), car ce sont
tout à fait des "inyenzi". Ces gens appelés inyenzi se sont mis
en route pour nous attaquer.
Le Général-Major Habyarimana Juvénal, aidé du Colonel Serubuga que vous avez
vu ici présent et qui était son adjoint dans l'armée au moment où nous avons
été attaqués, (les deux) se sont levés pour se mettre à l'œuvre. Ils ont repoussé
les "inyenzi" hors de la frontière d'où ils étaient arrivés. Et
alors ici, permettez-moi de vous faire rire! Entre temps étaient arrivés ces
gens-là qui convoitaient le pouvoir. Et après l'avoir obtenu, ils ont pris
le chemin vers Bruxelles. A leur arrivée à Bruxelles, notez qu'il s'agit du
MDR, du PL et du PSD, ils se mirent d'accord pour livrer coûte que coûte la
Préfecture de Byumba. Ils se concertèrent pour décourager coûte que coûte
nos soldats. Vous avez entendu ce que le Premier Ministre en personne a dit.
Il a dit qu'ils allaient (les soldats) descendre dans les marais (cultiver)
alors que la guerre faisait rage ! C'est à ce moment-là que ceux qui avaient
un moral faible parmi eux ont abandonné leurs positions et les "inyenzi"
les ont occupées. En effet, ces derniers se sont rendus là-bas à Byumba et
eux (les soldats gouvernementaux) allèrent piller les magasins de nos commerçants
de Byumba, de Ruhengeri et de Gisenyi. C'est d'ailleurs l'Etat qui devra les
indemniser car c'est lui qui a créé cette situation. Ce n'est pas un de nos
commerçants (qui l'a créée) car il ne demandait même pas de crédit ! Pourquoi
un crédit ? ce sont ces gens-là donc qui nous ont poussés à nous laisser envahir.
La punition de telles personnes n'est rien d'autre : "Toute personne
qui démoralisera les forces armées du pays sur le front sera passible de la
peine de mort". Cela est prescrit par la loi. Pourquoi ne tuerait-on
pas cet individu ? Nsengiyaremye doit être traduit en justice pour être condamné.
La loi est là et elle est écrite. Il doit être condamné à la peine de mort
comme c'est écrit. Mais ne vous effrayez pas par le fait même qu'il soit Premier
Ministre. Vous avez entendu ces derniers temps dire à la radio que même des
Ministres français peuvent désormais être traduits en justice ! Sera passible
de peine de mort, en temps de guerre, toute personne qui livrera une portion
du sol national, ne fût-ce qu'un infime morceau. Twagiramungu l'a dit sur
les antennes de la radio et la CDR lui a réglé son compte à la radio. Les
Militants de son (parti) ont alors perdu la tête, imaginez-vous ! Je voudrais
porter à votre connaissance que cet homme qui a livré Byumba sur les antennes
de la Radio tandis que nous tous rwandais, ainsi que tous les pays étrangers,
l'entendions, cet homme subira la peine de mort. C'est écrit, interrogez les
juges, ils vous montreront où cela se trouve, je ne vous mens pas ! Sera passible
de peine de mort toute personne qui livrera ne fût-ce qu'un infime morceau
du Rwanda. Et qu'attends encore cet individu ?
Vous savez ce que c'est, chers parents, "ne pas se laisser envahir",
oui, vous le savez. Vous savez qu'il y a au pays des "inyenzi" qui
ont profité de l'occasion pour envoyer leurs enfants au front, pour aller
secourir les "inkotanyi". Ca, c'est quelque chose dont vous entendez
parler vous-mêmes. Vous savez qu'hier je suis rentré de Nshili dans Gikongoro
à la frontière du Burundi, en passant par Butare. Partout, on m'a fait rapport
du nombre de jeunes qui sont partis. On m'a dit : "Là où ils passent,
ainsi que celui qui les conduit...pourquoi ne sont-ils pas arrêtés en même
temps que leurs familles ? " Je vous le dis donc maintenant, cela est
écrit dans la loi, dans le livre du Code Pénal : "Sera passible de peine
de mort toute personne qui recrutera des soldats en les cherchant parmi la
population, en cherchant partout des jeunes qu'elle ira donner aux forces
armées étrangères qui attaqueront la République". C'est écrit. Pourquoi
n'arrête-t-on pas ces parents qui ont envoyé leurs enfants et pourquoi ne
les extermine-t-on pas ? Pourquoi n'arrête-t-on pas ceux qui les amènent et
pourquoi ne les extermine-t-on pas tous ? Attendons-nous que ce soit réellement
eux qui viennent nous exterminer ?
Je voudrais vous dire que maintenant nous demandons que ces gens-là soient
mis sur une liste et qu'ils soient traduits en justice pour qu'ils soient
jugés en notre présence. Au cas où il arriverait qu'ils (les juges) refusent,
il est écrit dans la constitution que "ubutabera bubera abaturage".
En français, cela veut dire que "LA JUSTICE EST RENDUE AU NOM DU PEUPLE".
Au cas où donc, la justice n'est plus au service du peuple, comme cela est
écrit dans notre constitution que nous avons votée nous-mêmes, c'est à dire
qu'à ce moment, nous autres composantes de la population au service de laquelle
elle devrait se mettre, nous devons le faire nous-mêmes en exterminant cette
canaille. Ceci je vous le dis en toute vérité, comme c'est écrit dans l'Evangile
: "Lorsque vous accepterez qu'en venant vous mordre, un serpent reste
attaché à vous avec votre accord, c'est alors vous qui serez anéantis".
Je vous apprends qu'il y a un jour et une nuit, je ne sais pas si c'est tout
juste, un petit groupe d'hommes armés de fusils s'est rendu dans un cabaret
pour exiger de présenter des cartes. Ils placèrent ceux du MDR là-bas à part.
Ceux du PL, vous vous en doutez, ils les placèrent là-bas à part et même ceux
du PDC, ces autres là, qui se font passer pour des chrétiens, ils les placèrent
là-bas à part. Lorsqu'un membre du MRND a exhibé sa carte, ils l'ont immédiatement
mitraillé ; je ne vous mens pas, qu'on vous le dise même à la radio ; ils
ont tiré sur cet homme et se sont éclipsés dans les marais de Kigali pour
prendre fuite, après avoir déclaré qu'ils étaient des "Inkotanyi".
Dites-moi donc, ces jeunes gens s'en vont munis de notre carte d'identité,
puis ils reviennent armés de fusils au nom d'"Inyenzi" ou de leurs
complices, pour tirer sur nous ! Qu'un représentant local du MDR ne vive plus
dans cette commune ni dans cette préfecture, parce que c'est un complice !
Les représentants de ces partis-là, qui collaborent avec les "Inyenzi",
je vous le dis sans vous mentir, ne veulent que nous exterminer : ils n'ont
pas d'autre objectif. Et nous devrons leur dire la vérité. Moi, je ne leur
cache rien du tout. L'objectif qu'ils poursuivent est bien celui-là. Je voudrais
vous dire donc que les représentants de ces partis-là qui collaborent avec
les "Inyenzi", à savoir le MDR, le PL, le PSD, le PDC et d'autres
groupuscules rencontrés ici et là, qui s'y rattachent et ne font que vagabonder,
tous ces partis, ainsi que leurs représentants doivent aller habiter à Kayenzi
chez Nsengiyaremye ; ainsi nous saurons où se trouvent ceux avec qui nous
sommes en guerre.
Mes frères, militants de notre Mouvement, ce que je vous dis là n'est pas
une plaisanterie, c'est plutôt vous parler en toute vérité pour que, si un
jour quelqu'un se voit attaquer au fusil par eux, vous ne veniez pas nous
dire que nous qui représentons le parti ne vous avons pas avertis ! Maintenant
donc, je vous le dis pour que vous le sachiez. Et si quelqu'un a envoyé un
enfant parmi les "Inyenzi", qu'il les rejoigne avec sa famille et
sa femme pendant qu'il est encore temps, car le temps est arrivé pour que
nous aussi, nous nous défendions, afin que... Nous n'accepterons jamais de
mourir parce que la loi refuse de jouer son rôle !
Je vous apprends que le jour où on a fait des manifestations, le jeudi, ils
ont battu nos hommes qui ont dû se réfugier dans l'église se trouvant en bas
du Rond-Point. Ces gens dits chrétiens du PDC les ont poursuivis et sont allés
les battre dans l'église. D'autres se sont réfugiés dans le Centre Culturel
Français. Je voudrais donc vous dire qu'ils ont commencé à tuer. C'est tout,
il en est ainsi ! Ils s'attaquent aux habitations et tuent. Maintenant, celui
dont on entend dire qu'il est membre du MRND est battu et tué par eux ; c'est
ainsi que ça se passe. Maintenant donc, il faut que ces gens qui représentent
leurs partis dans notre préfecture prennent le chemin pour aller habiter avec
les "inyenzi", nous n'acceptons pas du tout que des gens qui vivent
parmi nous nous tirent dessus tout en étant à nos côtés.
Un autre point important dont je voudrais vous entretenir pour que nous ne
continuions pas à nous laisser envahir : vous entendez parler des pourparlers
d'Arusha. Je n'en parlerai pas longtemps car le représentant du Secrétaire
Général (du Mouvement) en parlera d'une manière détaillée. Mais ce que je
vais vous dire c'est que les délégués dont vous entendez dire qu'ils sont
à Arusha ne représentent pas le Rwanda. Ils ne représentent pas tout le Rwanda,
et je vous le dis en toute vérité. Les délégués du Rwanda, qui sont dits du
Rwanda, sont conduits par un "Inyenzi" qui y va pour s'entretenir
avec les "Inyenzi", comme cela se dit dans un chant que vous entendez
de temps en temps, où il est dit : "Il est Dieu né de Dieu". De
même eux, c'est "Inyenzi né d'Inyenzi qui parle au nom d'Inyenzi".
Quant à ce qu'ils vont dire à Arusha, c'est cela même que ces complices des
"Inyenzi" vivant ici sont allés dire à Bruxelles. Ils vont travailler
à Arusha pour que tout cela soit attribué au Rwanda alors qu'il n'y a rien
qui ne soit de Bruxelles qui se passe là-bas ! Et même ce qui vient du Rwanda
ne vient pas du tout de notre gouvernement : c'est une affaire de Bruxelles
qu'ils se mettent sur la tête pour l'emporter avec eux à Arusha ! C'est donc
un "Inyenzi" qui traite avec un autre ! Quant à ce qu'on appelle
"pourparlers", nous ne sommes pas contre les pourparlers. Je voudrais
vous dire qu'ils ne viennent pas du Rwanda : ce sont des "Inyenzi"
qui discutent avec des "Inyenzi" et sachez-le une fois pour toute
! En tout cas, nous n'accepterons jamais ces choses qui proviendront de là-bas
!
Un autre point dont je vous ai entretenu est que nous devons nous défendre.
J'en ai parlé brièvement. Mais, je vous dis qu'il faut que nous nous levions
! On m'a chuchoté à l'oreille il y a un instant que ce ne sont pas les parents
seuls qui doivent se lever en même temps que les enseignants au sujet du fameux
problème de nos inspecteurs. Mais même celui qui n'a pas d'enfant à l'école,
celui-là aussi devrait les soutenir car lui aussi en aura un demain ou bien
il en avait un avant-hier. Levons-nous donc tous et signons !
Le deuxième point dont je vous entretiendrai est le suivant : c'est que nous
avons neuf ministres dans le présent gouvernement. De la même façon qu'ils
se sont levés pour chasser nos inspecteurs en se fondant sur leur Ministère,
qu'ils se sont levés pour chasser des enseignants des écoles secondaires...il
y a quelques jours, vous avez entendu que la fameuse femme circulait dans
les écoles. Aucun autre motif ne l'y poussait si ce n'est que de chasser les
inspecteurs et les enseignants qui s'y trouvaient et qui n'étaient pas dans
son Parti. Vous avez entendu ce qui se fait au Minitrape : il ne s'agit pas
que de détournement, même on s'en est pris à nos travailleurs ! Vous avez
entendu ce qui se passe à la Radio, ainsi que l'émission de Byumba qu'on a
étouffée. Vous avez entendu comment tout cela se passe. Je voudrais vous dire
donc qu'il faut que nous demandions à nos Ministres que eux aussi, il y a
des gens qui travaillent pour leurs partis et qui se trouvent dans nos Ministères...
Vous avez entendu parler par exemple du Militant-Ministre Ngirabatware, qui
n'est pas présent ici parce que le pays lui a confié une mission importante.
J'ai visité son Ministère jeudi. Il y avait là-dedans une petite poignée de
gens, ce n'est pas que je me sous-estime parce que je suis dans le MRND, (une
poignée de) quelques personnes du MRND, ceux qui s'y trouvent sont exclusivement
des "Inyenzi" appartenant au PL et au MDR ! Ce sont eux qui se trouvent
dans le Ministère du Plan ! Vous comprenez que si ce Ministre disait : "Si
vous touchez à nos inspecteurs, les vôtres également, je vais les liquider".
Que se passerait-il ? Que nos Ministres eux aussi secouent le sac pour que
la vermine qui se trouve chez eux disparaisse pour aller dans les Ministères
des leurs.
Une chose importante que je demande encore à tous ceux qui travaillent et
qui sont au sein du MRND : "Unissez-vous !". Que celui qui est chargé
des finances, comme les autres s'en servent, lui aussi apporte l'argent pour
que nous nous en servions. Qu'il en soit de même pour celui qui en a à son
propre compte. Le MRND le lui a donné pour l'aider et le soutenir, afin que,
lui aussi, puisse subvenir à ses besoins en sa qualité d'homme. Comme ils
ont l'intention de lui couper le cou, qu'il l'apporte (l'argent) pour que
nous leur coupions les cous ! Souvenez-vous que la base de notre Mouvement
est la cellule, que la base de notre Mouvement est le secteur et la Commune.
Il (le Président) vous a dit qu'un arbre qui a des branches et a des feuilles
sans avoir des racines meurt. Nos racines sont fondamentalement là-bas. Unissez-vous
encore, bien sûr vous n'êtes plus rémunérés, que nos membres des cellules
se mettent ensemble. Si quelqu'un pénètre dans la cellule, surveillez-le du
regard et écrasez-le ; s'il est complice, qu'il ne puisse plus en sortir !
Oui, qu'il ne puisse plus en sortir !
Dernièrement j'ai dit à quelqu'un qui venait de se vanter devant moi d'appartenir
au PL. Je lui ai dit : "L'erreur que nous avons commise en 1959 est que,
j'étais encore un enfant, nous vous avons laissés sortir". Je lui ai
demandé s'il n'a pas entendu raconter l'histoire des Falashas qui sont retournés
chez eux en Israël en provenance de l'Ethiopie ? il m'a répondu qu'il n'en
savait rien ! Je lui ai dit : "Ne sais-tu pas donc ni écouter ni lire
? moi, je te fais savoir que chez toi c'est en Ethiopie, que nous vous ferons
passer par la Nyabarongo pour que vous parveniez vite là-bas".
Quant à ce que je vous dis, qu'il faut que nous nous levions, nous devons
nous lever réellement. Ce par quoi je vais terminer est une chose importante.
Hier j'étais à Nshili, vous avez appris que les Barundi nous ont calomniés,
j'étais allé vérifier la vérité. Avant que je n'aille là, des gens m'avaient
dit que je n'en reviendrais pas. Que j'y mourrai. J'ai répondu : "Si
je meurs, je ne serai pas la première victime à être sacrifiée". A Nshili
donc, on a destitué le bourgmestre qui y était avant, sous prétexte qu'il
serait, paraît-il, vieux ! Qu'il aurait commencé à travailler en 1960 ! Et
pourtant, hier je l'ai vu, il est encore jeune homme ! Mais parce qu'il était
dans le MRND, il a quitté ! Ils ont voulu y mettre un voleur ; cela n'a pas
marché non plus. Quand on y mit un homme honnête, ils (la population) l'ont
refusé ! Aujourd'hui, cette commune appelée Nshili est administrée par un
conseiller qui, lui non plus ne sait que faire ! A cet endroit donc dit Nshili,
nous y avons des forces armées du pays qui gardent la frontière. Il y a là
des gens appelés des JDR, pour la bonne raison que nos militaires nationaux
sont disciplinés et ne tirent sur personne, surtout ils ne tireraient pas
sur un rwandais, sauf si c'est un "Inyenzi", ces militaires n'ont
pas su que toutes les personnes du MDR étaient devenues des "Inyenzi"
! Ceux-ci les ont encerclés et ont arrêté nos gendarmes, à tel point qu'un
citoyen qui n'est pas dans notre parti m'a dit personnellement : "Ce
que je souhaite c'est qu'on nous apporte les élections pour que nous élisions
un Bourgmestre. Sinon, avant qu'il ne vienne, qu'on réinstalle provisoirement
celui-là qui y était avant parce qu'à voir où en sont arrivées les choses,
il ne pourra pas remettre les citoyens sur la bonne voie".
Chers parents, chers frères, je voudrais vous dire une chose importante :
les élections doivent avoir lieu, nous devons tous élire. Comme vous êtes
maintenant tous réunis ici, y a-t-il quelqu'un qui a donné un coup d'ongle
à un autre ? On parle de sécurité. On dit que nous ne pouvons pas élire. N'allez-vous
pas à la messe dimanche ? N'êtes-vous pas venus ici au meeting ? Au MRND,
n'avez-vous pas élu les responsables à tous les échelons ? Ceux-là même qui
le disent, ne font-ils pas la même chose ? N'ont-ils pas élu ? Pour ce prétexte
qu'ils avancent, il n'y a aucune raison qui nous empêche d'élire à cause de
la sécurité, parce que eux-mêmes se promènent dans le pays et les troubles
qui ont lieu, ce sont eux qui les provoquent. C'est là le premier mot que
je voulais vous adresser : ils nous trompent tous, même ici où nous sommes,
nous pouvons élire. Deuxièmement, ils se fondent sur les déplacés de guerre
se trouvant à Byumba. Je voudrais vous faire savoir que personne n'est allé
demander à ces gens s'il ne veulent pas élire. A moi personnellement ils ont
dit qu'ils avaient auparavant des conseillers paresseux, que même certains
parmi leurs Bourgmestres étaient des paresseux. Etant donné que le Ministère
qui leur porte les vivres est surveillé par un "Inkotanyi" ou plutôt
l'"Inyenzi" Lando, celui-ci a choisi des gens appelés "Inyenzi"
et leurs complices qui sont dans ce pays et c'est à eux qu'il a confié la
mission de porter les vivres à ces gens. Au lieu de les leur porter là-bas,
ils les vendent pour aller acheter des munitions qu'ils portent aux "Inyenzi"
qui nous tirent dessus ! Je voudrais vous dire qu'ils ont dit : "On tire
sur nous par derrière, et vous, vous tirez sur nous par devant en nous envoyant
cette canaille nous apporter des vivres". Je n'ai pas trouvé de quoi
leur répondre et ils ont poursuivi : "Ce que nous souhaitons, disent-ils,
c'est que parmi nous, nous puissions élire des responsables, des conseillers,
des responsables des cellules, un Bourgmestre ; que nous puissions savoir
que nous sommes avec lui ici au camp, qu'il nous protège, qu'il nous cherche
des vivres". Vous comprenez que ce que m'ont dit ces hommes et ces femmes
qui ont fui dans ces circonstances que vous entendez de temps en temps, à
gauche, à droite, c'est qu'ils souhaitent eux aussi des élections ; tout le
pays souhaite des élections pour qu'il soit dirigé par des braves comme cela
se passait habituellement. Comprenez donc, ce que nous devrions tous faire,
c'est cela, c'est réclamer ces élections. Pour que je puisse terminer donc,
je voudrais vous rappeler toutes les choses importantes dont je viens de vous
entretenir : la plus essentielle est de ne pas nous laisser envahir, de peur
que même ceux-là qui agonisent n'emportent personne parmi vous. N'ayez pas
peur, sachez que celui à qui vous ne couperez pas le cou, c'est celui-là même
qui vous le coupera. Je vous dis donc que ces gens là devraient commencer
à partir pendant qu'il est encore temps et à aller habiter parmi les leurs
ou aller même parmi les "Inyenzi" au lieu d'habiter parmi nous en
conservant des fusils, pour que quand nous serons endormis, ils nous tirent
dessus. Faites donc les plier bagage, qu'ils prennent le chemin du départ,
de façon que plus personne ne revienne ici prendre la parole et que plus personne
n'apporte des chiffons prétendus être des drapeaux !
Autre chose d'important, c'est que nous devons nous lever, nous lever comme
un seul homme...si quelqu'un touche à un des nôtres, qu'il ne trouve pas où
passer. Nos inspecteurs n'iront nulle part. Ceux qu'ils placeront prendront
le chemin pour aller à Nyaruhengeri, chez la ministre Agathe, s'occuper de
l'éducation de ses enfants ! Retenez-le bien ! Ce par quoi je termine, c'est
une chose importante: c'est les élections. Et je vous remercie de m'avoir
prêté l'oreille et je vous remercie aussi pour le courage que vous avez, dans
vos bras et dans vos cœurs. Je sais que vous êtes des hommes, que vous êtes
des jeunes filles adultes, des pères et des mères qui ne se laissent pas envahir,
qui refusent le mépris.
Ayez une longue vie ! Au Président Habyarimana, longue vie... A vous, longue
vie et prospérité...