Rwanda/AI – Droits de l’homme
UNE VISITE AMBIGUË : Amnesty International à Kigali
Analyse de S. Sebasoni
Kigali, 17 oct. 2003 (ARI) - Amnesty International est dans nos murs avec une forte délégation conduite par sa Secrétaire générale, la Bangladeshi Irene Kahn. La visite a été précédée d’un rapport sévère et comme toujours implacable : « Rwanda : Summary of concerns » (14.10.2003), (ce qui donne quelque chose comme « Rwanda : résumé de nos inquiétudes).
Malgré le prénom de sa nouvelle Secrétaire générale ( Irene signifiant la paix), la vieille dame de Londres (AI) ne se résoud pas encore à déposer les armes et à cesser son harcèlement. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, son nouveau rapport n’étant qu’un condensé des accusations qu’AI n’a cessé de lancer contre le Rwanda depuis que ce pays a changé de régime.
Toutes les organisations du monde ont beau louer les efforts et la créativité inventive du Rwanda après le génocide ou se limiter à une critique ponctuelle (comme Human Rights watch), seule AI (avec l’ICG, il est vrai, dans le domaine politique) ne trouve rien à apprécier au Rwanda. L’image qui ressort de ses rapports – répétitifs et invariables- est celle d’un pays où règnent la corruption des juges aux ordres et l’impunité, où les prisons sont bondées ( aucune comparaison n’est jamais esquissée avec les autres prisons du monde) et où l’invention des procédures Gacaca n’est qu’un coup pour rien promis à l’échec. Même le Tribunal pénal international d’Arusha, avec sa ci-devant Procureure Carla del Ponte, dont bien d’autres ont dénoncé l’incompétence et la gabegie, n’est, aux yeux d’AI, qu’une victime innocente de la méchanceté de Kigali.
La liberté d’association serait inexistante dans ce pays aux mille ong, qui compte en outre une demi douzaine de formations politiques, dont le vice rédhibitoire est de ne pas être les copies conformes des partis politiques et même des partis ethniques que l’on rencontre dans le système occidental.
La vie politique serait étouffée dans un pays qui vient de passer une année entière à confectionner une Constitution faite par le peuple et à mener successivement trois scrutins dans des élections pluralistes, sous les yeux de plus de deux mille observateurs venus de tous les horizons et qui dans l’ensemble en furent satisfaits. Il est vai que le Rwanda, selon ces gens, a eu le tort de ne pas mettre en veilleuse les lois ordinaires durant la période électorale et de ne pas élire les candidats qui avaient manifestement leur préférence.
La liberté d’expression n’existerait pas, selon ces gens, et surtout pour la presse ! Ce qu’ils ont forcément appris par ouï-dire, car on ne voit parmi eux personne qui ait pu lire la presse rwandaise. Si ces gens étaient vraiment sérieux et aussi amoureux de la presse libre qu’ils le disent, ils auraient acheté un journal sur la rue et constaté à quel point leur propos est loin de la réalité. Pour se faire une opinion et diffamer allègrement un pays qui dépend de sa réputation, il ne convient pas au statut international d’AI de se fier à quelque pigiste de rencontre en délicatesse avec son pays natal !
Le minirapport du 14.10.2003 qui a précédé la visite du lendemain, est fort chargé dans sa demi douzaine de pages ! A côté des sujets habituels qu’on vient d’évoquer, il y a un chapitre nouveau sur les méfaits du Rwanda en République démocratique du Congo (RDC). On croyait relégué aux vielles lunes l’alibi rwandais pour expliquer les malheurs du Congo. La délégation d’AI, en faisant ses valises pour le Rwanda, s’est crue obligée de racler les tiroirs afin de n’oublier rien de ce qui a été dit contre ce pays. On a même parfois l’impression qu’AI joue le rôle de la grand’mère qui va faire ses courses et que chaque membre de la famille ONG a priée de ne pas oublier telle ou telle commission.
Mais le comble le la mauvaise foi est atteint quand AI parle des réfugiés. L’ ignorance est accablante des efforts consentis par le Rwanda ! AI ignore sans doute que le Rwanda est peut-être le seul pays au monde qui a inscrit dans sa Constitution l’obligation de banir pour toujours le départ en exil et tout ce qui y contraint.
On est même fondé à se demander si le moment de la visite est un pur hasard ! Pour un rapport qui ne fait que récapituler les griefs maintes fois formulés fallait-il tant de hâte et d’empressement ? AI serait-elle venue à point nommé se mêler au chœur de ceux qui viennent féliciter le Rwanda pour son entrée décisive en Démocratie dans l’intention de cracher sur les élections rwandaises ?
AI est née d’une idée généreuse. Il lui a fallu beaucoup de courage pour acquérir une autorité morale et une légitimité qui n’a rien à voir avec la légitimité démocratique pour une association qui désigne seule ses membres, fixe ses missions et n’a de compte à rendre à personne. Mais enfin AI a fait beaucoup de bonnes choses. Elle a même sauvé des vies.
Hélas ! tout ce qui est humain est menacé par le temps. Le courage, les idées généreuses et tout le reste. Et en tout homme il y a, comme on a dit de « l’hommerie ». AI finira, si on n’y prend garde et s’il n’y a pas de sursaut, par succomber à l’ignorance des réalités, au conformisme des idées préconçues, à l’insignifiance enfin et au ressentiment.
ARI-RNA/dh/ss/ 17 10 03 / 15 :30gmt