Mémoire, Justice et Soutien aux Rescapés


Ibuka

COMMUNIQUE DE PRESSE

L’Association Ibuka France prend acte de l’éclosion du serpent dont on connaissait depuis longtemps la couleur grâce à des violations du secret d’instruction dont il a fait plusieurs fois l’objet par le biais de la presse. C’est aux personnes mises en cause d’apporter les réponses qu’elles jugeront adéquates. Quelles que celles-ci puissent être, l’association Ibuka France dont l’objectif est de protéger la mémoire des victimes du génocide des Tutsi du Rwanda et d’accompagner ceux qui en ont réchappé dans leur demande de vérité et de justice, se doit de faire dès à présent les observations suivantes :

 

 Les enquêtes du juge Jean-Louis Bruguière sont depuis longtemps le cheval de bataille des négationnistes qui n’ont pas attendu les conclusions d’enquête sérieuse pour attribuer la responsabilité de l’attentat contre l’avion de l’ancien Président Juvénal Habyarimana aux soldats du FPR aujourd’hui au pouvoir et décréter que le massacre des Tutsi était un acte spontané des populations Hutu menacées d’extermination.

A Arusha, la ligne de défense des accusés, notamment les militaires, repose sur cette même ligne : ils imputent au FPR la responsabilité de l’attentat et affirment que celui-ci est l’élément qui a déclenché le massacre des Tutsi. 

De ce double point de vue, nous sommes profondément préoccupés par le risque que les conclusions d’une enquête qui a longuement baigné dans les courants sursaturés de négationnisme ne viennent conforter le camp des révisionnistes et accroître la souffrance des rescapés.

Un attentat ne peut déclencher un génocide, à moins qu’il ne fasse partie du complot visant l’extermination. Dire de l’attentat qu’il a été commis par les rebelles tutsi et qu’il a déclenché l’extermination des membres de ce même groupe revient à reprendre, sans la citer,  la tristement célèbre « Radio Télévision des Milles Collines » selon laquelle, dans leur folie, les Tutsi s’étaient suicidés.

Bien qu’elle ait pour fondement juridique la demande légitime de vérité et de justice des familles des pilotes français morts dans l’attentat, l’action du juge Jean-Louis Bruguière semble avoir le génocide dans sa ligne de mire.

Selon lui en effet, ce sont les rebelles tutsi du FPR qui ont planifié les massacres perpétrés par l’armée et les milices hutues et c’est pour déclencher la campagne de meurtres que l’actuel Président a fait abattre l’avion dans lequel se trouvait l’ancien Président Habyarimana. Une thèse qui s’appuie non seulement sur la perversité et  l’exceptionnelle intelligence supposées des Tutsi, mais aussi sur le caractère facilement manipulable du groupe hutu et écarte la planification d’une solution finale de la question tutsi au Rwanda voulue, conçue et mise en œuvre par les extrémistes du Hutu Power.

 Mais en enquêtant ainsi sur le génocide, le juge Jean-Louis Bruguière est allé au-delà de la demande des familles des pilotes français pour rejoindre son autre mandat, celui qui lui a été confié par le clan Habyarimana, dont notamment son épouse hautement soupçonnée de complicité de génocide.

En 1998, le rapport de la mission parlementaire présidée par M. Paul Quilès, a bien montré à quel point l’attentat contre l’avion de Habyarimana était au centre d’une vaste manipulation. Il est très dommage que ce rapport soit aujourd’hui quasiment oublié et que les Députés n’aient pas voulu poursuivre ce travail très difficile mais indispensable à la reprise des relations normales entre la France et le Rwanda.

C’est de cette façon que la France remplira les responsabilités qui lui incombent au regard de son histoire et de sa place au sein de l’ONU, auprès des victimes et des rescapés du génocide des Tutsi du rwanda.

En attendant qu’elle s’y décide, nous invitons la presse à ne pas se faire l’écho des assassins de la mémoire. 

 

                                               Fait à Paris, le 23 Novembre 2006