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Côte d'Ivoire

La France s’engage, les rebelles menacent

Alors que tous les autres pays occidentaux ont demandé à leurs ressortissants de quitter la Côte d’Ivoire, la France a décidé mercredi soir de s’engager encore plus, militairement et politiquement, dans cette ancienne colonie en guerre depuis près de trois mois, pour «répondre à l’exigence de protection des ressortissants français et étrangers, de stabilité et de sécurisation du cessez-le-feu». Elle propose également d’accueillir un sommet des chefs d’Etat de la région et d'organiser une réunion des «représentants des forces politiques ivoiriennes». Ce qui a provoqué la colère du MPCI, qui demande désormais à la France d’abord «d’observer une totale neutralité» et ensuite de «se retirer du pays».


Face à l’aggravation de la situation, à l’échec de la négociation de la CEDEAO et aux mots d’ordre de «mobilisation générale» lancés par les loyalistes comme par les rebelles, le gouvernement français a décidé mercredi soir de bousculer quelque peu les événements, dans le but évident de sortir d’une guerre civile qui ne cesse de s’enliser et qui menace non seulement un pays aussi important que la Côte d’Ivoire, mais l’Afrique Occidentale, déjà aux prises avec des guerres civiles sans fin au Liberia et au Sierra Leone.

Pour cela, la France a décidé de renforcer sensiblement son dispositif militaire, en y envoyant d’autres troupes, essentiellement des unités d’élite de la Légion étrangère et de l’Infanterie de marine. Un geste qui vise à rassurer les quelque 20 000 Français ou bi-nationaux toujours présents en Côte d’Ivoire, mais aussi à peser davantage dans la confrontation en cours non seulement entre les belligérants, mais aussi entre pays voisins.

Paris a d’abord qualifié d’«inacceptables» les «atteintes à l’unité, à l’intégrité et la souveraineté de la Côte d’Ivoire ; ce qui s’adresse aux mutins responsables du déclenchement de la rébellion le 19 septembre dernier. Ensuite, «la France dénonce le recours à la force, les violences et les exactions, ainsi que toute ingérence extérieure», a dit le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères. Des ingérences en provenance surtout du Burkina Faso et du Liberia.


«L’arrêt de la déstabilisation» a commencé
De source diplomatique on souligne que les renforts militaires annoncés à Paris seront importants, les responsables militaires estimant que les 1 200 soldats français présents actuellement ne suffisent plus pour remplir toutes leurs tâches, notamment depuis l’apparition dans le Grand Ouest de deux nouveaux mouvements rebelles. Selon le ministère français de la Défense, ces renforts se montent «à plusieurs centaines d’hommes dont les premiers éléments seront sur place dans moins de 72 heures», l’opération «Licorne» étant entrée dans "la phase d’arrêt de la déstabilisation progressive" de la Côte d’Ivoire. Le colonel Baptiste, porte-parole de l'état-major, a précisé que «cette fois-ci, c’est un pas de plus», et que les soldats français ont comme consigne «d’ouvrir le feu» sur toute personne mettant en danger leur vie ou celles des personnes dont ils assurent la protection, ainsi que sur toute personne les empêchant d’accomplir leur mission.

Un autre porte-parole de l’armée française, Ange-Antoine Leccia, avait déclaré dès mardi dernier que «les cinq bases prépositionnées en Afrique» pouvaient à tout moment «assurer rapidement des renforts». Toutes ces mesures militaires devraient être saluées par le gouvernement du président Laurent Gbagbo, qui doit faire face à plusieurs fronts rebelles et ne cesse de dénoncer les ingérences extérieures. La tâche principale de l’armée française ne changera pas : elle se cantonnera à «sécuriser et stabiliser» un cessez-le-feu de moins en moins respecté, mais elle sera toujours en mesure d’évacuer ceux qui le souhaitent. Toutefois, dans la déclaration de mercredi soir, le gouvernement français ajoute, à propos des «atteintes à l’unité», des «exactions» et des «ingérences extérieures» : «en liaison avec ses partenaires, (la France) ne manquera pas d’en tirer toutes les conclusions». Un avertissement qui semble viser à la fois les rebelles et leurs protecteurs.

Sur le plan diplomatique aussi la France tente de sortir de l’impasse actuelle, en proposant d’accueillir à Paris une conférence regroupant les chefs d’Etat de la région, et d’organiser parallèlement une rencontre des «représentants des forces politiques ivoiriennes». Ce que le MPCI - la branche politique de la rébellion du Nord - s’est dans un premier temps empressé de saluer, car participer à une telle rencontre se traduirait par une consécration internationale inespérée pour des militaires insurgés. Une euphorie qui a été de courte durée.

Le porte-parole du MPCI Guillaume Soro a en effet changé complètement de ton quelques heures plus tard, et demandé à la France d’observer «une totale neutralité» dans la crise en cours et même de «se retirer du pays». «Si la France se hasarde à vouloir s’impliquer d’une manière ou d’une autre» dans une crise qu’il a qualifiée «d’ivoiro-ivorienne», «elle aura toute l’Afrique de l’Ouest contre elle, et personne n’a le monopole de la menace». Guillaume Soro a fustigé la «mauvaise gestion de la crise» par Dominique de Villepin, estimant qu’elle allait aboutir « à un autre Rwanda».

En revanche, aucune réaction n’avait été enregistrée jeudi matin du côté du gouvernement du président Gbagbo, qui de son côté devait signer en compagnie de tous les partis ivoiriens un «document politique» qui devrait refléter les conclusions auxquelles ont abouti les négociations de Lomé, sous la direction de Gnassingbé Eyadéma. Des négociations plus que jamais moribondes et que les rebelles ont de nouveau abandonné, pour rentrer à Bouaké «consulter la base». Ce document comprend notamment une déclaration signée par les formations politiques qui demande au MPCI de «libérer les villes occupées» et de «procéder au désarmement de ses troupes» conformément aux accords signés à Accra au début de la crise. Ce que le MPCI a rejeté par avance : «Nous ne comprenons plus les démarches de la CEDEAO et de la médiation» dirigée par Eyadéma, a précisé Guillaume Soro. Ceci n’a toutefois pas empêché la CEDEAO d’annoncer qu’un sommet consacré à la Côte d’Ivoire aura lieu ce week-end à Lomé, et qu’il réunira les présidents Wade (Sénégal), Obasanjo (Nigéria) et Eyadéma (Togo).

ELIO COMARIN
12/12/2002
 
• LE MONDE | 12.12.02 | 13h22


La France dépêche des renforts en Côte d'Ivoire pour sanctuariser la zone gouvernementale
La présence militaire française, plus de 2  000  hommes, aura pour mission de "sécuriser le cessez-le-feu". Paris est prêt à accueillir les chefs d'Etats africains concernés par le conflit.

S'engageant dans la plus grande opération militaire en Afrique depuis ses interventions à répétition au Tchad, dans les années 1980, la France dépêche de nouveaux renforts en Côte d'Ivoire, où ses effectifs comptent déjà environ 1 500 soldats. Cette décision a été prise, mercredi 11 décembre, lors d'un "conseil restreint" à l'Elysée qui a réuni Jacques Chirac, le chef du gouvernement, Jean-Pierre Raffarin, ainsi que les ministres des affaires étrangères et de la défense. Jeudi, une source militaire précisait que l'envoi de 500 à 600 hommes supplémentaires, ainsi que du matériel de guerre, était "déjà en cours".

Le caractère d'urgence de l'engagement militaire se double d'une relance de l'action diplomatique : nommé, mercredi, en conseil des ministres, le nouvel ambassadeur de France à Abidjan, Gildas de Lidec, devait rejoindre son poste dès jeudi, en remplacement de Renaud Vignal, rappelé la semaine dernière "en consultations". Par ailleurs, reconnaissant implicitement le blocage de la médiation ouest-africaine et des négociations, à Lomé, entre le gouvernement et les rebelles ivoiriens, la France s'est déclarée "disposée à accueillir à Paris les chefs d'Etat africains concernés et, parallèlement, à organiser une réunion des représentants des forces politiques ivoiriennes".

Selon le communiqué publié, mercredi soir, par le Quai d'Orsay, la France vise "un règlement politique général rassemblant l'ensemble des forces politiques ivoiriennes". Après la rupture, de facto, de la trêve instaurée le 17 octobre, la découverte de charniers et l'apparition d'escadrons de la mort dans la zone gouvernementale, Paris adresse une mise en garde, à la fois, au régime du président Laurent Gbagbo et aux pays voisins – le Burkina Faso et le Liberia – qui soutiendraient les rebelles, en dénonçant "le recours à la force, les violences et les exactions, ainsi que toute ingérence ou interférence extérieure". La France justifie son intervention, outre par la protection de ses quelque 20 000 ressortissants en Côte d'Ivoire, par "l'exigence de stabilité et de sécurisation du cessez-le-feu".

L'ENJEU DU CACAO

Sous le couvert de l'anonymat, un haut responsable français souligne qu'il ne s'agit pas de "sauver le pouvoir de -Laurent- Gbagbo mais la Côte d'Ivoire", dont la crise risquerait "d'embraser toute l'Afrique de l'Ouest". Il rappelle que la France a "condamné sans ambiguïté" les diverses exactions commises contre des civils et, notamment, réclamé une enquête internationale sur le charnier de Monoko-Zohi (120 corps découverts par l'armée française, il y a une semaine). "Tous ceux qui se disent favorables à la démocratisation de l'Afrique doivent reconnaître que des changements politiques n'y peuvent intervenir qu'en partant de la légalité existante. Sinon, ce sera le chaos sur le continent", a-t-il ajouté.

En sanctuarisant, dans les faits, la zone gouvernementale, le sud de la Côte d'Ivoire "utile" et, en particulier, la "boucle du cacao" dans l'Ouest, qui est aussi le fief du président Gbagbo, l'armée française sort définitivement de son rôle de force d'interposition, déjà ambigu auparavant. Depuis deux semaines, alors que le cessez-le-feu n'était plus respecté, les forces françaises se sont opposées aux violations de la trêve faites par les rebelles, tandis qu'ils "ouvraient la barrière", selon l'expression d'un officier, dès lors que l'armée gouvernementale lançait des attaques, encadrées par une soixantaine de mercenaires, dont des Français...

Après avoir déjà, plusieurs fois en septembre, ouvert le feu sur les insurgés, pour les empêcher de descendre sur Abidjan, le contingent français a de nouveau stoppé la progression rebelle vers le sud, samedi 7 décembre, lorsque quelque 200 "éléments fortement armés" ont voulu franchir la ligne du cessez-le-feu à l'est, jusqu'alors épargné par les combats. Dès lors, même au-delà de la "ligne de non-franchissement" convenue entre les belligérants, l'armée française a "verrouillé" tout le sud et, notamment, en pleine récolte des fèves, l'accès au port de San Pedro, stratégique pour l'embarquement du cacao, dont la Côte d'Ivoire est le premier producteur mondial.

Destinée à figer les lignes, pour gagner le temps nécessaire à une solution négociée du conflit, la nouvelle pax franca comporte le risque d'inciter à la reconquête du nord ou, pire encore, à la traque de "l'ennemi intérieur", les forces du président Gbagbo, dégagées de toute obligation de sécuriser leur zone. Prévu pour ce jeudi, l'enrôlement de 3 000 volontaires – en fait, la distribution d'armes aux "jeunes patriotes" qui sont les miliciens du régime en place – met en évidence ce danger qui, plus encore que les exactions commises par l'armée ivoirienne dans les zones de guerre, a provoqué l'ordre d'évacuation donné à leurs expatriés en Côte d'Ivoire par tous les pays occidentaux, des Etats-Unis à l'Australie, en passant par le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Belgique et l'Italie.

Stephen Smith


Changement expéditif d'ambassadeur

C'est, sans doute, le changement d'ambassadeur le plus expéditif sous la Ve République : rappelé à Paris au milieu de la semaine dernière, le socialiste Renaud Vignal, violemment pris à partie par les autorités et la presse ivoiriennes, qui faisaient de lui le bouc émissaire de leurs suspicions à l'égard de Paris, a appris, vendredi 6 décembre, qu'il ne regagnerait plus son poste mais obtiendrait, prochainement, une nouvelle affectation "prestigieuse". Cinq jours plus tard, l'ancien ambassadeur de France à Kinshasa, puis chef de la délégation humanitaire du Quai d'Orsay, Gildas Le Lidec, a été nommé en conseil des ministres et devait partir pour Abidjan, dès le lendemain...

Réputé "diplomate tout terrain", apprécié par Jacques Chirac pour le rôle qu'il avait joué après l'assassinat du président congolais Laurent Désiré Kabila, et l'avènement au pouvoir à Kinshasa de son fils, Joseph, le nouveau représentant de la France a pour mission de rétablir la confiance avec le président Laurent Gbagbo, très influencé par son entourage extrémiste et des prédicateurs évangélistes, qui le convainquent d'être investi d'une "mission".

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 13.12.02
 
 
 
• LE MONDE | 12.12.02 | 13h22


Trois mouvements rebelles opposés au président Gbagbo
Ils partagent un même but, chasser Laurent Gbagbo du pouvoir, et un même objectif : "Aller à Abidjan", capitale économique ivoirienne et siège du gouvernement.

Touba, Gouessesso correspondance

Il n'y a pas de frontière entre les territoires du Mouvement pour la justice et la paix (MJP) et ceux de son grand frère, le Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI), pas davantage qu'entre les localités revendiquées par le Mouvement populaire ivoirien du grand Ouest (Mpigo) et les zones tenues effectivement par le MJP. Un seul laissez-passer émis par le responsable de la circulation et de la fluidité du MPCI, le sergent Konaté, suffit pour voyager d'une zone à l'autre.

Si les trois mouvements rebelles, opposés au régime du président ivoirien, Laurent Gbagbo, revendiquent une complète autonomie les uns par rapport aux autres, la réalité sur le terrain démontre le contraire du moins pour le MJP et le MPCI. Officiellement, les territoires du MPCI s'arrêtent à la rivière Sassandra à l'ouest, mais bien au-delà, à Koro par exemple censée être une position du MJP, les rebelles présents sur les check-points affirment appartenir à ce mouvement. De même à Touba, ville passée sous le contrôle du MJP le 30 novembre, les hommes en armes disent être venus de Bouaké, quartier général du MPCI, à moins qu'ils se trompent dans les sigles...

"Nous prenons nos ordres de Bouaké. Nous attendons d'ailleurs des lance-roquettes et des moyens de communication qu'ils doivent nous envoyer", affirme un sous-officier au quartier général du MJP à Touba. Les véhicules des rebelles reflètent cette confusion : certains portent l'inscription MLCI, d'autres MPCI ou MJP-CI, un certain nombre enfin MJP. "Notre ordre de mission a été fait à Bouaké par le MPCI, c'est à Odienné que l'on a changé pour MJP", poursuit le sous-officier rebelle sans bien savoir non plus ce que signifient ces trois lettres.

La version officielle est donnée par le lieutenant Abou Soumahoro qui se présente comme président fondateur et chef militaire du MJP : "Le MPCI a accepté des négociations avec le régime de Gbagbo, ils ont accepté un cessez-le-feu, nous, nous refusons. C'est pourquoi nous avons quitté ce mouvement pour créer le MJP. Gbagbo doit partir !" "C'est en arrivant à Touba, où la population était harcelée par les loyalistes qu'on a décidé de s'appeler MJP, affirme l'ancien proche de l'adjudant Tuo Fozié l'un des chefs militaires du MPCI. J'ai déserté le MPCI parce que nous devions continuer la lutte pour protéger nos parents. Nous n'avons aucun lien et ne recevons aucune aide du MPCI", souligne-t-il avant d'ajouter dans un sourire : "On ne s'est pas entendu avec Fozié, mais ça ne gâte pas l'amitié."

"VENGER LE GÉNÉRAL GUEÏ"

Les trois mouvements partagent un même but : chasser Laurent Gbagbo du pouvoir, et un même objectif sans cesse répété : "Aller à Abidjan",capitale économique ivoirienne et siège du gouvernement. Au MJP, les équipements et les méthodes sont les mêmes qu'au MPCI, le discours plus va-t-en-guerre mais tout aussi articulé sur le rétablissement de la démocratie et de la justice en Côte d'Ivoire.

Le Mpigo, en revanche, tranche sur ses deux frères d'armes. Sur la route qui sépare le dernier barrage du MJP de Biankouma, localité contrôlée par le Mpigo, sept hommes sautent d'un pick-up et se déploient dans les hautes herbes à l'arrivée d'un véhicule. Il y a des jeunes en civil, un bandeau sur la tête, armés de fusils de chasse calibre 12, un Dozo (chasseur traditionnel) avec sa tunique de coton écrue et son bonnet et deux hommes en treillis armés d'AK-47. Ils conduisent les journalistes directement à la résidence de feu le général Gueï à Gouéssesso. Succession de cases circulaires en briques rouges, encadrée par des écuries, la propriété est aujourd'hui le quartier général du Mpigo. "Le gouvernement de Gbagbo a attrapé le général et l'a tué sans une preuve qu'il faisait partie de ce qui s'est passé le 19 septembre", affirme le lieutenant Simplice Dieu Tieu, engoncé dans un gilet de sauvetage militaire. "C'est pour cette raison que les hommes se sont levés. Nous voulons venger le général Gueï et demander le droit des Yacoubas -ethnie de l'Ouest- sur la terre de Côte d'Ivoire", ajoute l'ancien garde du corps du général.

Le Mpigo revendique aujourd'hui 6 000 combattants et affirme contrôler les localités de Gouéssesso, Biankouma, Danané, Toulépleu et Sipilou, toutes situées dans l'Ouest. Un autre ancien garde du général, Jean-Jacques Louah, dit que ce sont ses "hommes qui ont pris Man. On a croisé les gens du MJP lors de l'attaque" de cette ville, reprise depuis par les loyalistes. Il précise n'avoir "aucun rapport" avec le MPCI. Méfiants envers les journalistes étrangers, les représentants du Mpigo ont autorisé une visite sous escorte de Biankouma, sans qu'il soit possible de parler avec les habitants. Dans la ville, l'atmosphère semblait tendue. Sur les grands axes, la majorité des magasins étaient fermés. Le passage des rebelles du Mpigo n'a suscité aucune marque de sympathie de la part de la population. La visite du village de Gouéssesso n'a pas été autorisée.

Plus ancien que les deux autres groupes rebelles, le MPCI combat le gouvernement d'Abidjan depuis le 19 septembre et contrôle aujourd'hui 40 % de la Côte d'Ivoire, essentiellement les régions du Nord. Interrogé à Bouaké sur ces subites apparitions concomitantes de rébellions, l'adjudant Fozié déclare "ne rien connaître des deux mouvements de l'Ouest. Je crois que ce sont des gueïstes". S'offusquant de n'avoir pas été contacté avant que ceux-ci ne prennent les armes, le porte-parole du MPCI n'écarte pas la possibilité d'avoir un jour à les combattre.

Alexandre Jacquens

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 13.12.02
 
 
 
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Déclaration de la France sur la Côte d'Ivoire

PARIS, 11 déc (AFP) - 22h05 - Voici le texte intégral de la déclaration mercredi soir du porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, François Rivasseau, à propos du renforcement immédiat du dispositif militaire français en Côte d'Ivoire.


"Face à la détérioration de la situation de la Côte d'Ivoire, la France tient à exprimer sa préoccupation et sa conviction qu'il n'est pas de solution durable à la crise en dehors d'un règlement politique général rassemblant l'ensemble des forces politiques ivoiriennes.

Les atteintes à l'unité et à la souveraineté de la Côte d'Ivoire sont inacceptables. La France dénonce le recours à la force, les violences et les exactions ainsi que toute ingérence ou interférence extérieure. En liaison avec ses partenaires, elle ne manquera pas d'en tirer toutes les conclusions.

A l'appui de la médiation africaine, des efforts de la CEDEAO et dans le souci d'encourager une solution politique, la France est disposée à accueillir à Paris les chefs d'Etat africains concernés et, parallèlement, à organiser une réunion des représentants des forces politiques ivoiriennes.

Dans ce contexte, pour répondre à l'exigence de protection des ressortissants français et étrangers, de stabilité et de sécurisation du cessez-le-feu, la France décide de renforcer immédiatement son dispositif militaire sur le terrain."

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Les rebelles du MPCI appellent à leur tour à une mobilisation des jeunes

ABIDJAN, 11 déc (AFP) - 19h04 - Les rebelles du Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI) ont appelé mercredi à la "mobilisation" générale des jeunes dans le nord du pays, sous leur contrôle depuis l'insurrection du 19 septembre, selon un communiqué reçu par l'AFP à Abidjan.

Réagissant à un décret présidentiel prévoyant l'engagement dans l'armée ivoirienne de 3.000 jeunes volontaires âgés de 20 à 30 ans, dont le recensement doit débuter jeudi, le MPCI estime que "le régime de Laurent Gbagbo vient d'opter pour la guerre totale".

En conséquence, le MPCI décide de déclarer "la ville d'Abidjan +zone de guerre+" et invite "tous les jeunes Ivoiriens de 21 à 35 ans et tous les militaires démobilisés, désireux de participer à l'oeuvre de libération de la Côte d'Ivoire en se rendant au front pour défendre leur pays" à se faire recenser auprès des responsables rebelles à Korhogo, Séguéla, Odienné et Ferkessédougou, à compter de jeudi.

Samedi, le ministre ivoirien délégué à la Défense, Bertin Kadet, avait appelé lors d'une conférence de presse à Abidjan à une "mobilisation générale des Ivoiriens sous les drapeaux", sur la base du volontariat, à partir du mardi 10 décembre.

"Tout Ivoirien âgé de 20 à 26 ans décidé à aller au front pour défendre la Côte d'Ivoire est invité à se faire recenser à l'état-major des armées", avait lancé le ministre.

Quelques jours après le déclenchement de la rébellion, le 19 septembre, le gouvernement d'Abidjan avait déclaré "zones de guerre" les régions passés sous contrôle rebelle.

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Les rebelles du MPIGO: venger le général Gueï et faire revivre le "Gueïland"

GOUESSESSO (Côte d'Ivoire), 11 déc (AFP) - 12h42 - Composé essentiellement de proches de l'ex-chef de la junte (1999-2000), le défunt général Robert Gueï, le Mouvement populaire ivoirien du Grand ouest (MPIGO) veut faire revivre sa mémoire à la faveur de la crise que traverse la Côte d'Ivoire.

Depuis l'insurrection du 19 septembre, des soldats ivoiriens se sont soulevés contre le régime du président Laurent Gbagbo, puis rassemblés au sein du Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI), qui contrôle aujourd'hui le nord du pays.

Le général Gueï, une partie de sa famille et de ses employés, ont été tués à Abidjan dans des circonstances encore obscures, aux premières heures du soulèvement.

"Le gouvernement de Gbagbo a attrapé le général et l'a tué sans aucune preuve qu'il faisait partie de ce qui s'est passé le 19 septembre", accuse le "lieutenant Simplice Dieu Tieu", sanglé dans un gilet de sauvetage de l'armée ivoirienne.

"C'est pour cette raison que les hommes se sont levés. Nous voulons venger le général Gueï et demander le droit des Yacoubas (ethnie de Gueï, majoritaire dans la région de Man) sur la terre de Côte d'Ivoire", ajoute l'ancien garde du corps du général putschiste.

Le MPIGO revendique aujourd'hui "6.000 combattants" et affirme contrôler les localités de Gouéssesso, le village où M. Gueï s'était établi après avoir quitté le pouvoir, Biankouma, Danané, Toulépleu et Sipilou, toutes situées dans l'ouest, près de la frontière du Liberia.

Ses chefs démentent la présence de combattants libériens dans leurs rangs mais plusieurs étrangers évacués fin novembre de Man et Danané par l'armée française ont fait état de "Libériens anglophones" armés. L'ethnie Yacouba est également majoritaire de l'autre côté de la frontière.

Les représentants du MPIGO rencontrés par l'AFP à Gouéssesso ont refusé d'indiquer qui sont les chefs de ce nouveau mouvement rebelle.

Les hommes du MPIGO contrastent fortement avec les rebelles du MPCI et du Mouvement pour la justice et la Paix (MJP), apparu au même moment. La plupart sont sans uniforme, un homme sur dix environ est équipé d'une arme de guerre, le reste portant de simples fusils de chasse à un coup.

A Biankouma, l'atmosphère semblait tendue, et sur leur passage dans les grands axes de la ville où la majorité des magasins étaient fermés, les rebelles du MPIGO n'ont suscité aucune marque de sympathie.

 
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Distincts en théorie, les mouvements rebelles coopèrent sur le terrain

GOUESSESSO (Côte d'Ivoire), 11 déc (AFP) - 12h33 - Les deux nouveaux mouvements rebelles apparus fin novembre dans l'extrême ouest de la Côte d'Ivoire n'ont officiellement aucun lien avec les "précurseurs" du MPCI qui tiennent le nord du pays. Mais, sur le terrain, la distinction paraît plus floue.

Le Mouvement pour la Justice et la Paix (MJP) et le Mouvement populaire ivoirien du grand ouest (MPIGO) se sont fait connaître en prenant le contrôle, le 28 novembre, des villes de Man et Danané, près de la frontière du Liberia.

Depuis, les deux mouvements ont conclu une alliance militaire et demandé au Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI) d'unir leurs forces pour chasser du pouvoir le président Laurent Gbagbo. Le MPCI a pris acte de cet appel, affirmant attendre "le moment opportun" pour faire connaître sa réponse.

"Le MPCI a accepté des négociations avec le régime de Gbagbo, nous refusons, c'est pourquoi nous avons quitté ce mouvement pour créer le MJP", affirme à l'AFP le lieutenant Abou Soumahoro, "président et chef militaire" du mouvement, dans la ville de Touba, près de la frontière guinéenne.

"Ancien proche" de l'adjudant Tuo Fozié, chef militaire du MPCI, le lieutenant Soumahoro déclare avoir "déserté le MPCI parce que nous devions continuer la lutte pour protéger nos parents."

"Nous n'avons aucun lien et ne recevons aucune aide du MPCI", maintient-il, en précisant tout de même: "on ne s'est pas entendu avec Fozié, mais ça ne gâte pas l'amitié".

Au-delà de ces dénégations officielles, sur le terrain, les choses sont plus compliquées: les rebelles rencontrés à Touba et Koro affirment appartenir au MPCI et être venus de Bouaké (centre), le quartier général des "rebelles du nord", à la fin du mois de novembre pour occuper cette zone que l'armée française, chargée de surveiller l'application du cessez-le-feu, a quitté le 3 décembre.

De nombreux véhicules utilisés à Touba par les rebelles portent encore le sigle "MPCI" sur le capot et un simple laisser-passer du MPCI suffit à voyager d'une zone à l'autre.

Enfin, sans hésiter, un officier du MJP explique qu'il attend des lance-roquettes et des moyens de communications de Bouaké.

Le MJP revendique 250 combattants dont 50 dozos (chasseurs traditionnels) et soutient que la majeure partie de son armement provient des forces loyalistes combattues le 30 novembre pour la prise de Touba.

A Gouéssesso, à 70 km plus au sud, le MPIGO a établi son quartier général dans la résidence du défunt général Robert Gueï, chef de la junte de décembre 1999 à octobre 2000.

Installés dans la demeure, gardée par quelques jeunes hommes armés de fusils de chasse à un coup, les responsables du MPIGO disent vouloir "venger le général", tué aux premières heures de l'insurrection du 19 septembre, à Abidjan.

Parmi eux, un journaliste de l'AFP a reconnu d'anciens membres de la garde rapprochée du général Gueï, après son départ du pouvoir avec l'élection à la présidence de Laurent Gbagbo.

"Nous demandons aussi le droit pour les Yacoubas (ethnie de M. Gueï, majoritaire dans cette région) de vivre normalement sur la terre de Côte d'Ivoire", lance le "lieutenant Simplice Dieu Tieu", un des chefs du MPIGO.

Ancien garde du général Gueï, Jean-Jacques Louah affirme que ce sont ses hommes qui "ont pris Man" le 28 novembre, capitale du grand ouest ivoirien reprise depuis par les troupes gouvernementales.

"On a croisé les gens du MJP lors de l'attaque de Man", déclare-t-il.

Quant au MPCI, Jean-Jacques Louah affirme que le MPIGO n'a "aucun rapport avec lui".

Sur le bureau, sous la paillote où le général Gueï aimait recevoir, une liasse de documents fraîchement tapés à la machine porte en en-tête: "Bureau du MPCI Biankouma - Commandant de zone Gouéssesso".

 
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Charniers: les autorités ivoiriennes doivent procéder aux enquêtes

GENEVE, 10 déc (AFP) - 21h09 - Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a estimé mardi à Genève, après la découverte le 5 décembre d'un charnier à Monoko-Zohi (ouest de la Côte d'Ivoire), qu'il incombait aux autorités ivoiriennes de procéder aux enquêtes nécessaires pour établir les responsabilités.

"Le CICR rappelle qu'il incombe aux autorités concernées de procéder aux enquêtes nécessaires pour établir les faits et les responsabilités", déclare le Comité dans un communiqué.

Il rappelle qu'en vertu de son mandat exclusivement humanitaire, il ne peut être ni juge ni partie, alors que les belligérants, le gouvernement et les rebelles, s'accusent mutuellement d'être responsables de ces morts.

Le CICR réitère par ailleurs son appel du 5 décembre aux parties en conflit à respecter le droit international humanitaire. L'exécution de personnes qui ne participent pas ou plus aux hostilités, sans avoir bénéficié d'un procès juste et équitable, constitue "une violation grave du droit international humanitaire", déclare-t-il.

Plus d'une centaine de personnes ont été tuées le 29 novembre à Monoko-Zohi où les militaires français ont découvert un charnier, alors qu'ils patrouillaient dans le cadre de leur mission de surveillance du cessez-le-feu conclu le 17 octobre dernier entre rebelles et forces gouvernementales ivoiriennes.

"Sans vouloir alimenter la polémique, le CICR tient à souligner que de part et d'autre des lignes de front, ses délégués sur le terrain -sans avoir été témoin de ces actes- ont recueilli des allégations concernant l'exécution sommaire de personnes qui ne participaient pas ou plus directement aux hostilités", souligne l'organisation humanitaire.

Celle-ci poursuivra, "sur une base bilatérale et confidentielle", ses démarches auprès des responsables des différentes parties au conflit pour faire la lumière sur le sort des disparus.

Le Haut commissaire de l'ONU aux droits de l'homme Sergio Vieira de Mello a averti les auteurs des exactions en Côte d'Ivoire, quel que soit leur camp, qu'ils seront passibles de la Cour pénale internationale (CPI).